Science & Vie se diversifie dans la presse Photo

Le magazine Science & Vie, qu'on ne présente plus, se lance dans le pari audacieux d'une publication bimestrielle consacrée à la photographie. Elle s'appellera tout simplement Science & Vie Photo. Voilà qui a au moins le mérite de la simplicité !  Se reposant sur la notoriété légitime de Science et Vie (un poids lourd qui diffuse à 235.000 exemplaires), ce nouveau concept déclinera la photographie sous l'angle des dernières innovations technologiques, des techniques créatives et de l'évolution des pratiques photographiques. L'idée du Directeur de la Publication, Matthieu Villiers et de Yann Garret, rédacteur en chef, est que la photo est au carrefour de l'art et de la science, le positionnement précis de Science & Vie Photo !  Le titre sera vendu 5,95€, un prix courant et raisonnable pour 132 pages.

 

Si le concept d'aborder la photo sous son angle technologique scientifique et créatif, ne souffre pas la contestation, Science et Vie Photo va rapidement se heurter à trois obstacles majeurs : 

 

D'abord, les magazines photo actuels et de nombreux sites Web (dont les Nums), sont déjà positionnés sur ces créneaux. Vous ne trouverez pas un seul magazine "images" qui aborde la photographie sur son versant uniquement matériel. Régulièrement des dossiers sont consacrés à la technologie de la photo et à ses aspects artistiques. On peut craindre ainsi que le positionnement de Sience & Vie Photo soit juste un enrobage à en juger par la couverture du n°1 dont plusieurs accroches annoncent des sujets classiques : un essai complet des Panasonic S1R et Huawei P30 Pro, une rubrique concours avec photos analysées, critiquées et primées et 16 pages de pas-pas. Rien de vraiment nouveau sous le soleil, les autres magazines photo et sites Web, traitent déjà ces thématiques toute l'année ! Seule l'accroche principale - Définition, Vitesse, Sensibilité, la Photo bat des records ! Jusqu'où et pourquoi faire ? - laisse un peu d'espoir sur l'originalité du positionnement.

 

Deuxième obstacle, et non des moindres, la presse photo est sur une longue pente déclinante, la faute au Web (en partie), sa "gratuité" et son modèle économique basé sur la publicité et les liens d'affiliation. Pour preuve, la diffusion d'un titre comme Réponses Photo est passée d'environ 45000 ex. en 2014 à 29000 ex en 2018 avec une décélération particulièrement marquée en 2018 (-16%). A tel point que le titre et passé bimestriel depuis avril 2019. Il faut d'ailleurs probablement rapprocher la bimestrialité des titres Réponses Photo et celle de Science & Vie Photo dont il ne m'étonnerait pas qu'ils paraissent en alternance, puisqu'ils font partie du même groupe de presse (Mondadori).

 

Nous ne disposons pas des chiffres des autres titres photo et notamment de son leader (Chasseur d'images) du regretté Guy-Michel Cogné, ou de Fisheye, car ils ne sont pas soumis à l'OJD (l'organisme de Contrôle de la Diffusion), mais il y a fort à parier que le Web (et le marché photo) n'épargne les ventes d'aucun titre de presse écrite photo.

 

Troisième et dernier obstacle : les titres Science & Vie et Science & Vie Junior subissent une érosion sensible et constante de leur diffusion, à peu près comparable en proportion à celle de Réponses Photo (pour Science et Vie, 305.000 ex en 2014, 235.000 en 2018 et pour Science & Vie Junior, de 183.000 à 148.000 ex). Et le rachat actuel du groupe Mondadori pour 70 millions d'euros par un requin du secteur, Reworld Media, est terni par la réputation sulfureuse de ce géant de la presse, à base d'externalisation de compétences, de brouillage complet entre journalisme et publicité et de cadences de production infernales. Tous les salariés de Mondadori avaient d'ailleurs fait grève contre ce rachat en décembre dernier... 

 

Bref, on souhaite beaucoup de courage à Science & Vie Photo...