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Rencontres Photographiques d'Arles 2022 : 3 expos à conseiller

15 août 2022 par Thierry Philippon


UN MONDE À GUÉRIR

160 ans de photographie à travers les collections de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge

 

Je voulais partager avec vous quelques petites perles que j'ai pêchées aux Rencontres Photographiques d'Arles, grand rendez-vous estival européen de la photographie qui mérite chaque année un vrai cocorico pour l'ambition de sa programmation et l'affluence qu'il génère. Si vous lisez ces lignes avant les dates de fermeture des expos dont il est ici question, vous pourrez même aller les visiter !
 

 
Vos pas pourront vous guider vers une magnifique exposition, très documentée, sur la Croix-Rouge qui réalise et collecte des photographies depuis 1863, soit - si l'on y réfléchit bien - seulement 24 ans après l'invention balbutiante de ce média ! La Croix-Rouge comprend très vite quel formidable instrument elle tient entre ses mains, pour témoigner et sensibiliser les opinions mondiales à travers des cartes postales et des affiches. Mais ramener de "simples" photographies du terrain relevait à l'époque du tour de force étant donné la taille des appareils photographiques. Puis au 20e siècle, la communication visuelle de la Croix-rouge s'intéresse aux humanitaires en action, puis progressivement, se déplace sur le seul regard des victimes. 
 

 
L'expo, loin d'être partisane, nous rappelle que les images de la Croix-Rouge cherchent à communiquer un message auquel les populations occidentales (essentiellement blanches) "doivent" adhérer. Les photographies ne montrent donc pas toute la réalité, mais un point de vue volontairement orienté, des choix que la Croix-Rouge effectue - pour la bonne cause - en fonction d'un objectif recherché. Le visiteur est donc invité à scruter ces images avec la distance nécessaire.
 
PALAIS DE L'ARCHEVÊCHÉ - ARLES
4 JUILLET - 25 SEPTEMBRE 2022
10H00 - 19H30
 
 
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LÉA HABOURDIN

Images-forêts : des mondes en extension

 
Une expo beaucoup plus modeste dans le nombre de photos et les moyens mis en oeuvre est celle de Lea Habourdin - "Images-forêts : un monde en extension". L'originalité et la force de ces photos résulte d'une parfaite adéquation entre son sujet, la forme, et le fond. 
 
Côté sujet, la photographe a choisi des clichés de forets situées en France métropolitaine qui ont survécu sans avoir subi la forte influence de l’homme au cours des dernières décennies.
 
Côté forme, les tirages des images de Léa Habourdin sont réalisées sur un support ni toxique ni polluant. Il s'agit de l'anthotype, procédé qui permet de réaliser des clichés en utilisant des substrats de végétaux qui sont révélés par la lumière, sans avoir recours à des produits chimiques. Les végétaux sont broyés pour en extraire la chlorophylle dont l'artiste exploite la photosensibilité. Revers de taille : l'anthotype ne peut pas être fixé car il ne résiste pas à la lumière du jour. 
 

 
Enfin, côté fond, le travail de Léa Habourdin est de dénoncer les conséquences du comportement humain sur la nature vivante. Or ses images, de par le caractère éphémère du procédé technique qu'elles utilisent, s'effacent au fil du temps (assez rapidement). Ayant vu l'expo tardivement (mi-août), le processus d'effacement était d'ailleurs déjà bien enclenché ! On comprend  la métaphore qui en découle : si l'humanité ne fait rien rapidement, nos forêts vont finir par disparaître, sans laisser la moindre trace. 
 
 
CROISIÈRE - ARLES
4 JUILLET - 25 SEPTEMBRE 2022
10H00 - 19H30
 
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ESTEFANÍA PEÑAFIEL LOAIZA

CARMEN (RÉPÉTITIONS)

 
Enfin mon intérêt a été piqué par une exposition très personnelle intitulée Carmen de l'artiste Estefania Penafiel Loaiza qui raconte l'histoire réelle de sa tante Myriam. Celle-ci, en 1981, à l'âge de 25 ans, laisse ses 2 enfants, et prend un bus jusqu'en Colombie. Officiellement, pour y gagner l'Europe (l'Italie plus précisément) afin de poursuivre ses études. Mais en réalité, elle s'engage sans le dire dans un mouvement révolutionnaire équatorien naissant dans lequel elle se fait appeler Carmen. Myriam pousse même la supercherie jusqu'à expédier de fausses lettres pour accréditer son mensonge et rassurer ses proches. 
 

 

Jusqu'au jour où plus aucune lettre n'arrive... Myriam a été tuée au bout de quelques mois dans des conditions qui ne seront reconnues officiellement que plusieurs décennies plus tard. L'expo est celle de sa nièce, équatorienne installée à Paris, qui s'est mise à reconstituer le puzzle de l'aventure tragique de sa tante. Mais loin de se borner à réaliser un simple documentaire, Estefania a introduit des éléments fictionnels, comme celui de partir des faux indices que sa tante avait laissés, puis d'emprunter un itinéraire imaginaire, celui que sa tante aurait dû parcourir en Italie, pays où elle n'aura pourtant jamais mis les pieds. 
 

 
Bref, une belle expo, aussi touchante que mystérieuse et lacunaire, qui mêle vidéos, photos, objets et documents. Un docu-fiction personnel qui demande une certaine attention pour démêler le vrai de l'inventé mais qui vaut grandement la peine d'être vu !
 
ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DE LA PHOTOGRAPHIE -  ARLES
4 JUILLET - 28 AOÛT 2022
10H00 - 19H30
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