En Thérapie, la série prometteuse sur ARTE

Je vous invite à regarder prochainement sur Arte "En Thérapie", une série fictionnelle librement inspirée de faits réels, qui raconte le face-à-face entre un psychanalyste et des patients, témoins directs ou indirects du "trauma" du Bataclan. La série progresse au rythme des séances psi, soit environ 20 minutes à chaque fois, durée au terme de laquelle on retrouve les mêmes personnages à la séance suivante.

 

Ce schéma reprend celui de la série originelle israélienne "Betipul" d'Hagai Levi sorti en 2008 mais aussi et surtout celui de la série américaine "En analyse" (In Treatment), diffusée aux US l'année suivante, et qui est sans doute la plus connue en France. Une série interprétée magistralement par Gabriel Byrne (docteur Weston) et qui se prolongea sur trois saisons. La différence des séries américaine et israélienne avec l'adaptation française est que précédemment, la consultation des patients était motivée par des motifs divers (amoureux, professionnel, militaire, relationnel)... alors que la version française a pour thématique commune (de départ) le 13 Novembre 2015.

 

L'adaptation française sera difficile (la réalisatrice Diane Kurys avait elle aussi souhaité décliner la série israélienne avant d'abandonner) car elle dépend d'une alchimie complexe entre un psi sur lequel tout le poids de la série s'appuie, des patients qui doivent être à sa hauteur émotionnelle, et une crédibilité thérapeutique minimale. Mais surtout, les séries israélienne et américaine ont prouvé que la clé de la réussite reposait sur une implication du spectateur : s'il se passionne pour le suivi des patients, il adhérera. Dans le cas inverse, la série peut patiner.

 

 

Mais la raison pour laquelle je vous recommande cette série sur magazinevideo n'est pas liée au sujet qu'elle aborde ni à la série en elle-même. En effet, cette suite d'épisodes - qui se déroule dans un lieu clos - va appliquer constamment une règle de cinéma bien connue : la règle des 180 degrés. Elle va procéder ainsi durant 35 épisodes (!) d'environ 20 à 25 minutes, ce qui donnera tout le loisir d'observer comment les réalisateurs, habitués à du "cinéma" très mobile, ont procédé dans ce huis clos, comment ils ont aménagé cette règle, s'ils l'ont transgressé, voire s'ils se sont autorisé des fantaisies, ce qui est parfois possible avec cette règle. Au-delà de cette convention, il sera intéressant de voir comment on peut animer un face à-face, dominée par les gros plans, tout en jouant avec l'échelle des plans, le rythme, etc. Un rythme qui sera nécessairement lent. Mais pas forcément ennuyeux comme on pourrait le craindre avec ce genre de série.

 

 

La série devrait tenir ses promesses, du moins je l'espère. D'une part parce que la plupart des acteurs ont déjà un solide bagage de crédibilité à l'image de Reda Kateb, Mélanie Thierry, Pio Marmaï, Clémence Poésy, Frédéric Pierrot (qui joue le rôle du psi Philippe Dayan), Carole Bouquet (qui joue sa superviseuse) ou encore la jeune Céleste Brunnquell, révélation du film Les éblouis, et au potentiel impressionnant. 

 

D'autre part la série promet car elle a été confiée à deux réalisateurs (associés à plusieurs scénaristes) totalement inattendus dans ce registre, mais reconnus pour leur talent indiscutable. Il s'agit du duo Olivier Nakache et Eric Toledano, qui ont notamment réalisé "Intouchables", ou "Le sens de la fête" avec le regretté Jean-Pierre Bacri.

 

Plus habitués à traiter des sujets de société ou légers sur un mode humoristique avec des répliques-cultes, les réalisateurs de "Hors normes" traitent ici un sujet grave. Un contre-pied pas si étonnant lorsqu'on connaît leur façon d'élaborer leurs films. En effet plusieurs de leurs scénarios campent déjà les difficultés "existentielles" de personnalités tourmentées, et ils ne se sont jamais caché de s'intéresser avant tout à leurs personnages, à "l'humain". il n'est donc pas étonnant que le cadre d'un cabinet de psi les ait inspiré. D'autre part, Eric Toledano est un familier des cabinets de psi à titre personnel, ceci explique peut-être cela. Enfin, un tel environnement est un lieu dans lequel la parole a l'importance que l'on sait. Or il faut reconnaître au duo de réalisateurs un certain talent pour écrire des dialogues percutants. Deux éléments qui seront à coup sûr fondamentaux dans la réussite de cette série. Il est à noter que leur travail s'appuie sur deux scénaristes, Daviid Elkaïm et Vincent Poymiro.

 

 

Mais succéder à Betipul et à En analyse tout en abordant le sujet si délicat du Bataclan, sera périlleux. Autre écueil, la série semble emprunter d'assez près (de trop près ?) certains éléments scénaristiques de la version américaine : ainsi le psi français rencontre bien des problèmes dans sa vie personnelle, notamment avec sa fille et sa femme... comme Gabriel Byrne dans In Treatment. Il va voir une superviseuse avec laquelle les relations sont compliquées... comme Gabriel Byrne. Et la plus jeune de ses patientes est une championne sportive... qui a ses deux bras dans le plâtre à la suite d'un accident à vélo... exactement comme la gymnaste Mia Wasikowska dans la saison 2 de En Analyse ! Des similtudes plus que troublantes. Ne risque-t-on pas dans ce cas de préférer l'original à la copie ? Une certitude : les réalisateurs ont confirmé (source Europe 1) qu'ils travaillaient déjà sur une saison 2, une bonne nouvelle si la série tient toutefois toutes ses promesses... !

 

Diffusion en intégralité sur arte.tv dès le 28 janvier 2021

et sinon, sur ARTE du 04/02 au 18/03/2021 à raisons de 5 épisodes par soirée !