Série Adolescence : le plan-séquence au sommet de son Art
06 juillet 2025 par Thierry Philippon

Je dois dire que j'ai été scotché comme rarement par la série anglaise Adolescence disponible sur Netflix, en 2e position des audiences de la chaîne par ailleurs. Le thème est difficile et tristement d'actualité : un adolescent sans histoire qui commet un meurtre sur une fille de son âge, au nom de la détestation des filles. Mais sans reléguer au second plan le thème, l'écriture, ou l'interprétation poignante des acteurs, c'est le tour de force technique qui m'a stupéfié puisque chaque épisode est tourné... en un unique plan-séquence (!), malgré des changements constants de personnages, des dialogues nourris, rapides et même des changements de lieux.
Certes, ce n'est pas le premier plan-séquence de l'histoire du cinéma sauf que chacun des 4 plans d'Adolescence dure entre 52 et 65 minutes ! Excusez du peu... Rappelons que l'un des plans-séquences parmi les plus célèbres du cinéma n'en est pas un. Il s'agit de celui d'Hitchcock dans son film La Corde qui est en réalité composé de plusieurs plans et de raccords effectués en s'aidant de la couleur noire lorsque la caméra passe dans le dos d'un des acteurs du film.
A l'inverse, la série de Netflix a relevé le défi technique sans le moindre raccord, sans trucage non plus, et malgré les sceptiques, sans l'aide de l'IA. Et c'est là toute la réussite de cette fabrication "artisanale" et tout le problème à la fois : avec les possibilités de l'Intelligence artificielle, on peut être amené à croire que tout est fabriqué au montage. Et bien non ! Pas cette fois !
Pourtant la série cumulait plusieurs difficultés de taille à commencer par le jeune Owen Cooper, l'ado meurtrier du film, qui a dû apprendre une heure de dialogues à chaque épisode, et se glisser dans la plus terrible des situations alors que son jeune âge faisait qu'il n'avait encore jamais joué dans un seul film ! D'après certains récits du tournage, les plans-séquences ont été recommencés jusqu'à 10 fois. Et pour la petite histoire, une psychologue supervisait chaque jour de tournage avec le jeune acteur.
Autre paramètre qui n'a pas été une mince affaire, réaliser une succession de travellings en caméra portée à chaque déplacement de personnage d'un point A à un point B. Pourtant tous les défis techniques ont été résolus comme en atteste l'extrême fluidité des scènes.
Mais au fait, pourquoi avoir choisi un tel langage cinématographique ? Pour l'exploit ? Pas vraiment, voire pas du tout. L'intérêt du plan-séquence est qu'il égrène le temps tel qu'il se déroule, de manière à embarquer le spectateur dans l'histoire sans le lâcher un seul instant. Et c'est là exactement ce que souhaitait réussir le réalisateur dès le 1er épisode : faire vivre au spectateur la procédure d'arrestation spectaculaire du jeune adolescent, les réactions de ses parents, de sa soeur, de l'inspecteur, de la psychologue, son interrogatoire puis son jugement dans sa continuité et tous ses détails. Une immersion dont seul un plan-séquence permettait de restituer l'atmosphère au plus juste.
Pari gagné pour cette mini-série dont les quatre épisodes sont poignants. A l'instar d'un Projet Blairwitch qui était filmé intégralement en caméra portée instable pour traduire l'aspect amateur du document, rarement la technique et la narration auront été si intimement liés pour une série. Du grand Art...
Adolescence, série créée par Jack Thorne et Stephen Graham, réalisée par Philip Barantini.
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