Arles - Yann Morvan : 10 ans de batailles

29 août 2016 par Thierry Philippon

Il vous reste quelques jours jusqu'au 11 septembre 2016 inclus, pour porter votre regard sur les Rencontres Photographiques d’Arles. Parmi les 40 expositions que la célèbre manifestation arlésienne a organisées, l’une d’elles a particulièrement retenu mon attention. Intitulée Champs de bataille, elle est l’oeuvre de Yann Morvan.

Né en 1954, ce photographe est bien connu des amateurs et des professionnels de la photo, pour avoir couvert nombre de conflits à travers le monde dans les années 1980-90. Les différents reportages que Yann Morvan a publiés dans Newsweek et d’autres revues prestigieuses, ainsi que les nombreux prix qu'il a reçus (Robert Capa, World Press Photo) lui ont forgé une telle réputation qu’il est considéré comme l’un des photojournalistes actuels parmi les plus talentueux.

Affecté par les conflits qu’il a tant couverts, mais qui l’ont en même temps « inspirés », Yann Morvan a eu l‘idée passionnante de photographier "de nos jours" les champs de batailles les plus célèbres de l’histoire. Il en a ramené un inventaire stupéfiant de ces paysages de guerre, 2 ans, 20 ans, 200 ans ou 2000 ans plus tard... De Dien Ben Phu à la ligne Maginot, de Waterloo à la bataille de Guadalcanal, du Liban aux marécages de la Berezina, de la bataille d’Alésia au conflit de la dernière guerre en Normandie, Yann Morvan a parcouru le monde des champs de bataille pendant 10 ans, depuis 2004. La récolte a été fructueuse avec 250 sites photographiés !

Les lieux ont parfois radicalement changé mais on devine la bataille sanglante qui s’y est déroulée, à l’instar de la vaste « cuvette » de Dien Ben Phu. A l’inverse, dans certains endroits, la nature a tellement repris ses droits que sans la légende « bataille de xxxx », nul ne pourrait imaginer un seul instant qu’un conflit cinglant s’y est déroulé… Et ce sont bien ces impressions contradictoires du spectateur qui sont passionnantes. Tantôt nous sommes plongés dans un espace-temps vertigineux où les bruits des armes résonnent à s’en couvrir les oreilles, tantôt le silence est plombant, étouffant le cri pourtant assourdissant de ceux qui y ont laissé leur vie.

Hormis quelques batailles qui sont déroulées dans des paysages grandioses, beaucoup de batailles dérogent à l’idée que nous nous en faisons, à savoir un territoire immense, à perte d’horizon… En fait, nombre de batailles célèbres se déroulent souvent dans des lieux délimités, parfois confinés, presque exigus.

Yann Morvan ne s’est pas « contenté " (si l'on peut dire) de sillonner la planète pendant des années à travers les champs de bataille pour réunir ce pur chef-d’oeuvre documentaire. Il a aussi réfléchi à la façon dont il pouvait les photographier. D’un point de vue « mise en scène" , il a adopté le point de vue du combattant. C’est à dire des vues à hauteur d’oeil pour que le spectateur se représente le plus fidèlement possible la vision des protagonistes.

Son équipement est également atypique : une chambre dite « de voyage » Deardoff 20x25, une antiquité dont les films valent si chers (environ 50€ la photo) qu'on mesure la folie du projet, le stress à chaque photo, et la nécessité d'économiser les photos.

Le résultat de cette exposition est somptueux. Surtout quand on sait, que ce projet pharaonique - long, cher, et au départ peu spectaculaire sur le papier - a eu bien du mal à exister dans la forme dans laquelle vous aurez la chance extrême de le voir à la chapelle Saint-Laurent à Arles !