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Arles 2021 : Le métier de photographe de plateau

17 août 2021 par Thierry Philippon


Le métier de photographe de plateau est souvent méconnu voire considéré comme subalterne. Le mérite de l’exposition photo que j’ai choisi de vous parler est précisément de redonner toutes ses lettres de noblesse à l’un des artisans de cette profession du 7e Art. Son travail est présenté dans le cadre des Rencontres d'Arles qui se déroulent en ce moment jusqu'au 26 Septembre 2021.
 
 
L'homme dont il est question s’appelle Raymond Cauchetier et sa longue vie trépidante s’est achevée, hasard du calendrier, à 101 ans... en 2021. On doit à ce compagnon attentif du travail de François Truffaut, Jean-Luc Godard ou Jacques Rozier les plus beaux clichés en N&B des films de la Nouvelle Vague (entre 1959 et 1968).
 
 
 
 
Parmi la collection innombrable de photos dont certaines sont restées pendant 50 ans dans des cartons (!), on pourrait citer la vue capturée en Rolleiflex, de Jules et Jim quand le trio s’élance courant sur la passerelle (*) la plus célèbre du cinéma. Raymond Cauchetier est aussi l'auteur de la photo de Jean Seberg et «  Bebel « descendant les Champs-Elysées dans A bout de souffle.
 
Au-delà d’un sens inné de l’esthétisme, les photos de ce photographe de plateau sont par ailleurs fort instructives pour l’apprenti réalisateur, le concepteur de courts métrages et même, sans exagérer, pour le vidéaste amateur.
 
(*) Info non précisée dans l’expo, la passerelle n’est pas située à Paris comme beaucoup le pensent, mais surplombe la voix ferrée de l'axe Paris-Lyon à Charenton-le-Pont.
 
 

ASTUCES ET AUDACES

 
En effet, un bon nombre des clichés saisis par Cauchetier mettent en évidence avec éloquence les astuces et audaces techniques de l’époque. Un sens de l’inventivité autant justifié par les budgets très serrés des réalisateurs de la Nouvelle Vague que par l’essence même de la « charte » des films de ce nouveau genre cinématographique. Comprenez par là : retour à la lumière naturelle, liberté d’improvisation du texte, et surtout abandon des lourdes et coûteuses structures de plateau auxquelles avaient recours les films français classiques d'avant la Nouvelle Vague...
 
Un des exemples les plus frappants est cette étonnante 2 chevaux utilisée par le chef opérateur d’Adieu Philippines, Roger Mathelin. L’équipe s’était aperçue qu’en lestant au maximum la célèbre deudeuche (voir photo d'introduction) au moyen du personnel technique du film (!) et en dégonflant ses roues, on obtenait un outil de travelling parmi les plus efficaces qui existent et ce, sans poser le moindre rail ! Une solution à la fois économique et rapide à mettre en œuvre, pile poil dans l’esprit des réalisateurs inventifs de cette époque.
 
 
D’autres photos de Cauchetier valent aussi le détour, tant elles sont parlantes, telle cette photo de François Truffaut derrière un trépied, à cheval sur le rebord d’une fenêtre et la corniche du dessous (Baisers volés) ou cette caméra donnant le vertige, perchée sur les toits de Paris, tenue par le célèbre directeur photo Raoul Coutard (A bout de souffle de Jean-Luc Godard). Que dire enfin, dans ce mème film emblématique, de cette scène où l’on voit Godard en personne pousser d’une main un simple fauteuil roulant dans lequel se laisse guider, façon travelling, le Directeur de la Photo du film !
 
Autant de photos en apparence bon enfant qui traduisent et révèlent une époque où l’Art, le sens de l'astuce technique et une bonne dose d’intellectualisme, parvenaient à coexister brillamment.
 
 
L’expo se déroule dans le cadre somptueux de l’abbaye de Montmajour (Bouches du Rhône) fondée en 948 par des bénédictins. Allez-y vite jusqu'au 26 Septembre 2021 de 10H à 18H30. Pass ou test antigénique requis. Tarifs complets depuis le site du Festival : https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/
 
 
Photos (sauf dernière) : © Raymond Cauchetier
 
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