Profils et Styles d'images : comment ça marche ?
les secrets de styles et profils d'images
12 mai 2023 par Thierry Philippon
 |
Autrefois, on shootait une photo ou une scène vidéo et au mieux, on pouvait lui ajouter des filtres "créatifs". Pour donner un exemple concret, on pouvait appliquer un filtre "Romantique" ou "Sepia" à ses images. Mais c'était un peu artificiel, assez connoté, et surtout l'effet n'était pas paramétrable. Aujourd'hui, les fabricants ont perfectionné leur approche. L'utilisateur peut choisir très finement la texture d’une photo ou d'une vidéo. Pour cela, les fabricants font appel à des "Styles" nommés aussi "Profils", à ne pas confondre avec les modes Scènes qui n'ont rien à voir (ceux-ci jouent sur l'ouverture, la vitesse d’obturation, et les ISO). Les Styles peuvent s'appliquer sur les photos JPEG (pas RAW évidemment) et sur les scènes vidéo. Tous les fabricants proposent des Profils / Styles, même si je donne ici la priorité visuelle et descriptive à ceux de Panasonic et Sony. J'aurais évidemment pu choisir d'autres fabricants comme Canon ou Fuji. mais les rendus Panasonic et Sony sont particulièrement intéressants. Techniquement, ça se passe toujours ainsi : chaque Profil joue sur deux paramètres fondamentaux de la vidéo : le Gamma (pour simplifier, disons le contraste) et le Gamut (ou matriçage) qui correspond à la colorimétrie et à la saturation de la couleur. Les styles peuvent être divers et nombreux. Chez Panasonic, sur le DC-S5M2 par exemple, on dénombre 14 Styles... Travailler les styles est assez "addictogène" : une fois qu'on a adopté un ou plusieurs styles, on a du mal à ne pas les utiliser et à se passionner à faire différents essais de vues avec ce(s) style(s). Parfois, l'option "pas de Profil" est proposée. Il existe alors une position Off. Dans ce cas, les réglages usine de la caméra sont prioritaires, agrémentés de certains paramétrages éventuels de prises de vues : balance des blancs, iris, etc. Qu'il s'agisse de Sony, Panasonic, de Fuji, Canon, ou Nikon, les Styles peuvent être classés en 3 catégories. Examinons-les au chpaitre suivant : |
Les différents Styles et Profils
 |
|
1re catégorie : les Styles "prêts-à-l’emploi"
Les Styles "prêts-à-l’emploi" sont des profils un peu traficotés dont la courbe Gamma est conçue pour produire un rendu-type. Les Styles prêts-à-l’emploi sont par exemple les Styles Standard, Naturel, Portrait, Cine-like D2 ou Cine-like V2. Rien n'empêche de modifier ensuite ces Styles en post-production à partir de la base du Style, même si dans l'absolu, on peut s'en dispenser, d'autant qu'on peut modifier les paramètres du Style en amont (voir plus loin). Mais voyons en détail quelques styles : |
 |
|
Le réglage « Standard » (nommé aussi Movie ailleurs) : comme son nom l'indique, c’est un réglage "passe-partout", bien utile si on ne veut pas s'embêter, boudé par les pros, mais que j'ai personnellement très souvent utilisé pour assurer les prises de vues. C’est un profil valorisant mais qui peut avoir un contraste un peu trop prononcé à la base. Il procure de bons résultats pour débuter en tout cas. On notera que sur la plupart des boîtiers, c'est le choix proposé par défaut. Les réglages Eclatant, Naturel, Still : ces réglages sont tout aussi prêts-à-l'emploi que le Style Standard. Eclatant correspond à une courbe plus saturée et contrastée. Naturel c'est l'inverse avec un contraste plus bas et des couleurs globalement plus "douces", plus orangé parfois. Ce Style est parfois confondu avec le Style Cinelike-D car ils partagent quelques points communs en termes de "douceur" de rendu. Enfin, Still se rapproche plus d'une image type photo avec un contraste fort, des couleurs rehaussées. On passera rapidement sur les styles Paysage et Portrait, le premier est adapté aux paysages "avec un ciel bleu et des verts vifs", le second "aux belles peau saines et au joli teint". Cela nous paraît un tantinet restrictif. |
 |
|
L-Mono-D
|
 |
|
Cine-like D
|
 |
|
Cine-like V
|
|
La caméra propose aussi des courbes Cine précalibrées : chez Sony, avec le Style Cine1, on réduit le contraste des zones sombres et on renforce la tonalité des zones claires, ça procure un côté un peu Pastel et assez doux, Cinema en somme ?…. Cine2 c’est pratiquement la même chose, quant à Cine3 et Cine4, on augmente le contraste entre les zones claires et ombrées. Chez Panasonic (S5M2), on trouve les fameux Cine-like D ou D2 qui donne la priorité à la dynamique, procurant une touche "film", avec des teintes de peau très naturelles, tirant un peu vers le jaune, et Cine-like V ou V2 qui a le même objectif filmique mais qui donne la priorité au contraste. l.ClassicNeo procure une coloration douce et "nostalgique". C'est un style qui peut bien s'adapter à des vidéos de fiction. Un Style un peu piège qu'on trouve aussi est le Style "Flat". Il s’agit d’un réglage qui produit une qualité d’image plate avec une saturation et un contraste bas. Mais il ne faut pas confondre ce style avec le Log (Vlog ou s-log) car le Flat est bien un style prêt-à-l'emploi même si certains le retouchent un peu au montage. c’est comme une LUT qui serait en quelque sorte déjà intégrée. Le Style Flat est aussi un Style que l'on trouve sur les caméras GoPro. Les couleurs peuvent être corrigées, et on obtient plus de détails dans les zones d'ombres ou les zones très claires, On recense aussi l’ITU 709 (Sony) avec parfois une variante 709 Like (Lumix) : c’est un réglage normé, essentiellement utile en cas de panachage entre plusieurs caméras de marque différente ou pour minimiser la surexposition. Rappelons que la norme REC709 (en abrégé 709) est la norme de diffusion HDTV classique (FullHD pour simplifier). Les fabricants "s'amusent" aussi à proposer des styles Monochrome très "photographie en N&B". Panasonic semble le fabricant qui propose le plus grand choix avec 4 styles monochromes : [Monochrome], [L.Monochrome], [L.Monochrome D], et [L.Monochrome S]. |
 |
|
Toujours dans la catégorie des Profils précalibrés, citons Fuji : fidèle à son histoire jalonnée de films argentiques, la marque japonaise propose sur son X-T4 jusqu'à 18 Profils de "films" comme Provia / Standard, Velvia / Vive, Astia / Doux, Classic Chrome, Pro neg. Hi, Pro Neg. Std, Neg. Classique, Eterna / Cinema, Eterna Bleach Bypass, Acros, Monochrome, Sepia. Ci-dessus, le magnifique Profil Eterna Bleach Bypass, combinant une saturation réduite et un fort contraste. |
 |
|
2e catégorie : les Styles bruts
Dans les profils « bruts » - le Log en est l'emblème - les images sont d’abord traitées numériquement avec le moins d’ajouts possibles, en captant la totalité de la dynamique du capteur EN AMONT du traitement numérique. Panasonic ou Canon ont aussi leur « s-log » à eux avec le V-Log Panasonic, Canon a son canon Log, Alexa son LOG C, etc. Le profil brut Log se gère en post-production, c’est à dire que l’utilisateur « révèle » les images grâce à un logiciel d’étalonnage (comme celui de DaVinci Resolve ou d’Adobe Speedgrade) qui est associé à une table de conversion (on appelle ça une LUT) pour « Look Up Table ». Cette LUT rétablit la colorimétrie et le contraste de l’image que le fabricant a volontairement dessaturé au tournage afin de conserver un maximum d’informations dans les noirs et les blancs. Puis il convient d'affiner l’étalonnage, même après application de la LUT. Notez qu’au cinéma, le procédé de « l’interpositif » ressemble un peu au procédé du LOG. Un des profils bruts parmi les plus connus, c’est le s-log2 (chez Sony) ou le Vlog (chez Panasonic). Ils revendiquent 14 diaphragmes de dynamique (au lieu de 7 pour la norme Rec709). Seul inconvénient du LOG, les valeurs extrêmes du signal vidéo ou les nuances colorimétriques très fines, seront mal gérées, en raison des contraintes de la norme REC709.
|
 |
|
Sony propose aussi une variante, le s-log3. La courbe S-Log3 est une courbe gamma avec des caractéristiques semblables à un film, offrant davantage de gradation dans la partie à faible intensité que la S-Log2. Disons pour simplifier que la courbe S-Log3 est la courbe la mieux adaptée au workflow du « cinéma » mais le s-log2 est suffisant pour des besoins courants. Panasonic, lui, ne dispose que d'une seule courbe Vlog. Le LOG n’est pas à confondre avec le RAW vidéo qui est un « négatif » complet, à l’instar du format Raw des photographes. Le Raw vidéo, c’est la solution idéale puisqu’on conserve dans ce cas toute la dynamique, tout le contraste, toute la colorimétrie, et toute la définition d’image… Mais le gros talon d'Achille du Raw, c’est qu’il requiert des débits élevés pouvant aller jusqu’à 2600 Mbit/s en résolution 6K en vidéo RAW à 50 im./s. Du coup, c’est un format très « dépensier », très lourd. Filmer en résolution DCI 4K à 25 im./s avec la méthode de compression All-I peut délivrer un débit binaire d'environ 470 Mbit/s. Pour s’en convaincre encore plus, retenez qu’une carte de 64 Go stocke à peine 6 à 15 minutes de fichiers en Raw. Le raw pose un second problème, c’est qu’au montage, il faut des machines qui supportent de tels débits. Enfin dernier souci, il faut beaucoup de temps passé à traiter les fichiers RAW. Ce n’est pas du tout le cas avec le s-log ou le vlog pour lesquels on obtient des fichiers quasiment du même poids que des fichiers non LOG. |
 |
|
Réglages fins Gamma / Gamut
Dans les deux catégories que nous venons de voir - Styles « prêts-à-l’emploi » ou Styles bruts - on peut se contenter des valeurs précalibrées en usine, ou plonger (un peu) les mains dans le cambouis et personnaliser son image. C'est même tout l'intérêt. Même le LOG peut être modifié. Les paramètres s'ajustent par exemple chez Panasonic entre les valeurs -5 et +5 par palier de 0,5, ce qui revient à 20 paliers. Ceux qui font de la fiction abaissent souvent franchement tout ou partie des réglages à -5 (sauf la Teinte). Pour le reportage en revanche, c'est risqué, voire inutile. Sur les Lumix, on peut régler (selon le modèle) 5 ou 7 des paramètres suivants :
-le Contraste Un Style qui vous séduit particulièrement peut être sauvegardé et appelé à tout moment. Comme vous vous en douterez, il n'existe pas de réglages parfaits, mais des réglages adaptés à chaque situation ou à vos préférences de rendu, même si les utilisateurs les plus avertis communiquent parfois leurs réglages-types. |
 |
|
On visualise instantanément le résultat. Un détail pratique : en mode Lecture sur le boîtier, le Style ainsi que tous ses paramètres, s'affichent en vis-à-vis de chaque n° de fichier, ce qui permet de retrouver ses réglages. Sinon, au montage, on perd cette précieuse information.
|
 |
|
Chez Sony, le nombre de paramétrages possibles est plus important pour un même Profil. On peut jouer avec les paramètres suivants :
-le Niveau de Noir : c’est un réglage du noir entre les valeurs -15 et +15 Les réglages concernent aussi les MODES COULEUR. |
 |
|
3e catégorie (à part) : le HDR
On peut classer dans une catégorie à part le standard HDR (High Dynamic Range), qu'on peut traduire en bon français par « gamme dynamique élevée » ou encore « Imagerie à grande gamme dynamique ». Il m'a paru important de m'attarder dessus car c'est un des "Profils" les plus complexes à comprendre. |
 |
|
Ce n'est pas un Style à proprement parler. Vous avez peut-être déjà entendu le terme HDR si vous pratiquez la photo, car certains appareils disposent d’un mode Photo HDR : ce mode consiste à superposer 3 vues réalisées à des expositions différentes (sous-exposée, expo normale et sur-exposée) pour en tirer le meilleur rendu en termes d’exposition. Le résultat est plus ou moins réussi, parfois un peu artificiel pour être franc. Mais ça peut sauver des vues difficiles...
|
 |
|
En vidéo, le HDR est très différent car le HDR Vidéo augmente véritablement la plage des contrastes, ce que ne fait pas du tout le HDR Photo qui se contente de sélectionner les zones correctement exposées de chaque vue, et de les assembler. Alors le HDR vidéo finalement, c’est quoi ? Pour faire simple, c’est une technologie qui revendique une plage dynamique élevée, ce qui se traduit concrètement par un gain de luminosité dans les zones sombres et par davantage de détails dans les zones claires. En fait, l’oeil humain a une plage de luminosité très étendue, il distingue mieux une scène bien lumineuse et bien contrastée, et par ailleurs, il est capable de voir une large gamme de couleurs. Le HDR a donc été conçu pour tenter de repousser les limites électroniques qui empêchent l’image vidéo d’adopter cette finesse de la vision humaine. |
 |
|
HDR vidéo en mode HLG2 (Sony)
|
|
Pourtant, la nécessité de faire appel à une nouvelle norme favorisant la luminosité est paradoxale : d’une part parce que les capteurs actuels seraient tout à fait capables d’encaisser de grandes dynamiques; d’autre part parce que les progrès des téléviseurs sont insuffisants ! En fait, la chaîne de codage depuis la captation de la caméra jusqu’au téléviseur est inadaptée. Il a donc fallu inventer de nouveaux systèmes de codages et faire en sorte que de nouveaux téléviseurs puissent afficher ces nouveaux codages. L’idée est qu’on profitera bien mieux des écarts de luminosité sur un téléviseur HDR que sur un téléviseur SDR. Le HDR a été adopté par le HDMI Forum, le consortium Digital Video Broadcasting (DVB), et par l’International Telecommunication Union (ITU). |
 |
|
Le codage pour le HDR, c’est un standard qui s’appelle le HLG (Hybrid Log Gamma). Le HLG est donc un système à large plage dynamique, dont les critères techniques de gamma et de gamut ont été définis dans la recommandation d’une norme internationale, la norme ITU-R BT.2100. Le HDR a une autre propriété marquante, c’est qu’il évolue dans un espace colorimétrique élargi. C’est une nécessité pour pouvoir distinguer des teintes subtiles dans des zones où l’intensité lumineuse est très forte. Pour y parvenir, les ingénieurs ont défini la norme couleur REC2020 (ou BT2020) qui s’avère bien supérieure au SDR qui se contente de la norme REC709 et qui est la norme de diffusion HDTV classique. |
 |
|
Ce graphique aide à comprendre ces deux normes 709 et 2020. Le fer à cheval correspond à toute la gamme des chrominances possibles qu’un écran est capable de restituer, c’est ce qu’on appelle le Gamut. Les extrémités du fer à cheval correspondent aux couleurs primaires RVB. Le triangle en pointillé est celui du REC709, on voit qu’il évolue dans un espace relativement restreint du spectre de couleurs, alors que le triangle en bleu-vert qui correspond au REC2020, évolue, lui, dans un espace bien plus large du spectre. La technologie HDR / HLG a certes d’immenses avantages, mais elle comporte quelques restrictions :
-elle exige un téléviseur compatible HDR / HLG Voilà qui conclue ce tour d'horizon des profils / styles des boîtiers photo-vidéo et des camescopes pros. |