Face au rêve d'embarquer sa caméra ou son appareil photo partout et à tout moment, sans se soucier d'affronter une pluie battante, de plonger dans l'eau, ou de parcourir à pied des contrées poussiéreuses, se pose souvent la question de la résistance de tout matériel électronique à des conditions climatiques ou géologiques "hostiles". C'est pourquoi certains appareils sont mieux protégés que d'autres, de par leur conception. Nous allons voir en quoi consistent ces protections, si elles ne relèvent pas de l'argumentaire trompeur, et quels matériels sont les mieux armés pour ces exercices.
Nous abordons successivement l'Indice de Protection, puis nous enchaînons par une tentative de mieux cerner la notion de "tropicalisation" qui concerne plus spécifiquement les boîtiers photo-vidéo.
Nous poursuivons en examinant la notion d'étanchéité qui concerne plus spécifiquement les protection des Actioncam, une partie des smartphones et à la marge, celle des balises GPS pour chien (nous expliquons pourquoi c'est intéressant de s'y attarder !).
Devant la jungle que pouvait représenter un univers où chaque constructeur revendiquerait que son appareil offre la meilleure protection aux intempéries ou aux chocs, un indice de protection a été créé. Sans être parfait, cet indice a été défini dès 1989 (!) par le CEI (Commission électronique internationale). Dans le cas le plus courant, cet indice prend la forme des lettres IP (pour Indice de Protection !) suivies de 2 chiffres. Plus l'indice est grand, plus la protection l'est aussi.
Les deux chiffres constituent deux formes distinctes de protection. Le premier chiffre désigne une protection contre les solides alors que le 2e chiffre correspond à une protection contre l'intrusion d'eau. Ainsi le 6 de IP67 (un cas fréquent) correspond à une protection contre les poussières tandis que le chiffre 7 équivaut à une protection de l'immersion dans un liquide durant 30 minutes. C'est donc mieux si votre appareil est à la norme IP68 : le chiffre 8 désigne dans ce cas un matériel submersible au-delà de 1 mètre dans les conditions spécifiées par le fabricant en termes de durée et de pression.
Retenez aussi, qu'à la place d'un chiffre, on peut avoir affaire à la lettre "x", par exemple IPx8. C'est le cas par exemple du smartphone haut de gamme Sony Xperia 1 V 5G. Cela signifie qu'il est bien protégé contre l'immersion (deuxième chiffre) mais qu'en revanche, il ne l'est pas du tout contre les éléments solides (d'où le "x").
Enfin, il existe aussi une variante moins connue de cet indice, pour la résistance mécanique aux chocs, nommée IK, selon 11 niveaux de résistance aux chocs : IK00 n’offre aucune protection, alors que IK10 désigne un équipement capable de résister à un choc de 20 joules (cas des caméras de surveillance par exemple pour éviter qu'elles ne soient détruites).
Premier constat qu'on devine en creux : cet indice n'est pas une certification attribuée à la légère ni une auto-promotion mais bien un indice attribué en fonction de critères que le fabricant doit respecter. De plus, le fabricant n'a pas intérêt à surestimer les capacités de son produit puisque l'indice répond à une classification précise que le consommateur peut tester.
Deuxième constat, plus invisible. Selon l'adage "qui peut le plus peut le moins", on pourrait penser que la certification la plus haute englobe toutes celles qui lui sont inférieures. En fait, pas forcément ! Ainsi, la certification la plus haute (IP68) ne signifie pas que le produit est forcément optimisé pour les indices inférieurs. En clair, un indice IP68 garantit que la protection à laquelle il correspond a été testé mais par exemple, la protection contre les jets d'eau venant de toutes directions à la lance (IPx5) n'est pas automatiquement garantie pour le consommateur !
Enfin troisième constat, plus évident : il faut bien regarder ce à quoi s'engage exactement le fabricant en commentaire de l'indice, le résultat (profondeur, durée, hauteur), pouvant varier d'un modèle à l'autre, pour un même indice.
Autre préambule nécessaire, un point sur la tropicalisation, nommée weatherproof par nos amis anglo-saxons. La fiche d'un boîtier tropicalisé reflète un produit capable de résister à la pluie (pas trop violente en principe), aux embruns, à l'humidité ambiante tropicale (on y est !) et à la poussière d'un désert ou le sable d'une plage, voire à la boue. Tropicalisé ne signifie donc pas "étanche" (ne vous amusez pas à le plonger dans l'eau même un court instant !), ni résistant aux chocs.
En théorie, à caractéristiques égales, un produit tropicalisé - souvent un boîtier photo-vidéo hybride ou un ancien reflex - vaut mieux qu'un produit homologue qui ne le serait pas. D'ailleurs quand la tropicalisation brille par son absence, les testeurs ou les consommateurs ne manquent pas de relever ce manque ! Le prix s'en ressent aussi, généralement à la hausse sauf quand le fabricant veut se démarquer de la concurrence par un rapport qualité / prix particulièrement à son avantage.
De manière générale, la tropicalisation est absente des modèles entrée de gamme. Et dans les gammes supérieures, le niveau de tropicalisation peut s'avérer différent. Quelques modèles annoncés comme tropicalisés parmi d'autres : les Lumix S1H / GH5 / GH6, les Nikon Z6 / Z7 / Z6 II / Z7 II, le Canon EOS 5D Mark IV, les Sony Alpha 7 III, Sony Alpha 7R V, les Fuji X-T3 / X-T4, le Pentax K-1 Mark II, ou encore le superbe Leica Q2 (IP52)... On peut citer aussi l'Eos RP bien que Canon n'emploie pas le terme de "tropicalisé".
Techniquement, la tropicalisation repose sur 1 ou 2 éléments : soit l'existence de joints toriques qui vont empêcher la pénétration de l'eau, ou celle de fines particules de poussières ou de sable, notamment sur les points de fragilité (le logement batterie, les boutons, autour du capteur, etc). Mais un fabricant peut aussi faire le choix de concevoir un appareil tropicalisé à partir d'un alliage très résistant en magnésium associé à un assemblage très précis des différentes pièces d'ajustement qui composent le châssis du boîtier.
Par ailleurs, il existe quelques biais relatifs à la notion de tropicalisation :
a) d'abord, dès qu'on utilise une optique ou un flash non tropicalisé(e), ce qui est fréquent, l'ensemble n'est plus complètement homogène. Ainsi l'optique Lumix H-FSA14140 la plus récente est bien tropicalisée mais pas les deux précédentes, l'optique ayant subi plusieurs liftings ! Conseil : bien scruter la fiche constructeur.
b) d'autre part, le fabricant reste libre d'accoler à son argumentaire de tropicalisation le degré de protection qu'il juge nécessaire. C'est pourquoi la définition même de la tropicalisation varie d'un fabricant à l'autre, voire d'une gamme à l'autre chez un même fabricant ! Le ratio entre les frais que ladite tropicalisation va générer dans la conception du boîtier et le prix auquel l'appareil sera proposé au consommateur, va induire sur la qualité de la tropicalisation.
L'utilisateur est donc obligé de faire confiance, souvent il n'est pas déçu, à condition toutefois de bien sécher l'appareil après qu'il se soit fait tremper. Mais parier sur une excellente tropicalisation va peut-être l'inciter à photographier / filmer sous une pluie forte pendant de longues minutes, ou à crapahuter dans l'Atlas marocain alors que le boîtier ne sera peut-être finalement pas prévu pour un tel usage ! Normalement, une lecture attentive des tests et des données constructeur devraient suffire à éclairer les utilisateurs. Mais ce n'est pas toujours le cas. Conséquence possible à la longue : une oxydation du boîtier qui n'est pas un phénomène immédiatement visible. Il peut être visible après plusieurs semaines / mois.
Un conseil au passage : changer d'optique ou de carte de façon répétée en milieu hostile tropical va permettre à l'humidité de s'infiltrer. Il vaut donc mieux éviter de le faire trop souvent si l'on veut conserver les atouts de la tropicalisation. Eviter aussi les trop longs téléobjectifs, plus sensibles quand on les déploie.
c) enfin, point qui découle du précédent, le terme de tropicalisation est très utilisé (par les fabricants mais aussi sur magazinevideo) sans pour autant répondre à une norme précise. Le fameux Indice de protection (IP) est peu ou pas utilisé pour les boîtiers photo-vidéo car un boîtier photo n'est pas constitué d'un seul bloc comme peut l'être un produit plus simple tel qu'une actioncam ou un GPS.
Le terrain des caméras étanches est largement occupé - pour des usages grand-publics - par GoPro ou DJI. Les deux adversaires ont réussi à optimiser et simplifier énormément le processus de protection puisque les modèles Hero récents (depuis la Hero8) et Osmo Action plongent sans boîtier additionnel jusqu'à une profondeur de 10 à 18 mètres selon le modèle (notez que les 18 mètres correspondent à la profondeur nécessaire pour l'obtention du premier certificat PADI de plongée), ce qui convient parfaitement au snorkeling par exemple ou aux plongées en eaux peu profondes. Cet "exploit" est notamment dû à une enveloppe robuste et à des joints d'étanchéité très étudiés (en silicone) qui garnissent les parties sensibles (trappe à batterie/carte, fenêtre d'écran...)
Cependant les deux marques proposent pour les plongeurs aguerris un "boîtier" (terme qu'on peut rapprocher de l'idée d'un "caisson") à même de descendre votre GoPro ou votre Osmo Action entre 40 et 60 mètres de profondeur. Cela résout ainsi les problèmes de pression qui commencent à se poser à ces profondeurs. Ces mêmes caissons conviennent aussi, au cas par cas, pour les GoPro plus anciennes (Hero 2, Hero 3, Hero 4), celles qui à la base ne sont pas étanches sans boîtier.
Notez que la caméra est bien étanche jusqu’à 10 mètres (GoPro) ou 16-18 mètres (DJI Osmo Action).
L'étanchéité de ces modèles (ou comme celui ci-dessus, un Sony HDR-AS15) n'est guère à discuter. Ils font le job et le font plutôt bien. Cependant à long terme la plongée en mer et le sel qui l'accompagne, peut user les joints de la caméra. En effet, le sel est corrosif pour une actioncam, et un rinçage à l’eau douce s'impose absolument après chaque utilisation, ce que les amateurs ne font pas toujours. Les conséquences ont été néfastes semble-t-il sur les premières GoPro, particulièrement la Hero5 qui cumule les retours négatifs d'utilisateurs aquatiques.
De même, en théorie, le joint d'étanchéité de la trappe n'est pas à changer mais si son examen commence à révéler une détérioration, il faut faire intervenir le SAV de la marque. Enfin, une GoPro ou une Osmo Action ne résistent pas à tout : il faut se méfier des projections d'eau constantes (à bord d'un bateau, en rafting ou en surf) qui peuvent paradoxalement s'avérer plus "agressives" qu'une plongée sous-marine.
Si votre GoPro prend l'eau, une astuce de plongeur : rincez-la extérieurement, puis placez-la dans un bol de riz puis renouvelez le riz autant de fois que nécessaire pour réduire l’humidité interne.
Signalons que hormis GoPro et DJI, quelques alternatives existent :
-il y a 10 ans, Sony avait ouvert le bal avec deux produits, les HDR-GW55 et HDR-GW66 qui procuraient d'excellents résultats (plongée respective à 5 et 10 mètres) et qui s'utilisaient comme un petit camescope. Sony a poursuivi dans cette voie avec le très réussi FDR-X1000 en 4K, mais l'aventure s'est arrêtée il y a quelques années et Sony ne sort plus aucun nouveau modèle, dommage...
-certains boîtiers photo font de la vidéo tels le Ricoh WG-6 sorti en 2019 et qui pouvait plonger à 20 mètres de profondeur pendant 2 heures et résister à des chutes de 2,1 mètre.
Depuis plusieurs années, les smartphones ont acquis des qualités d'étanchéité reconnues. D'après une enquête du magazine Que Choisir réalisée en juillet 2023, environ 20% des mobiles sont annoncés comme étanches (soit environ 80 modèles), ce qui reste un critère technique que l'on peut qualifier de "segmentant". Il existe même quelques marques spécifiquement conçues pour du tout-terrain (waterproof IP68 et antichocs IP69K) telles que Ulefone, Doogee, ou encore Crosscall (comme le Core-M5), peu connues en France. Les prix s'étirent de 219 à 849 euros.
Les smartphones étanches ne sont pas conçus pour jouer le Grand Bleu ni remplacer une GoPro mais plutôt pour éviter qu'un plongeon accidentel dans l'eau, apparemment fréquent, ne se solde au mieux par l'oxydation du mobile et sa corrosion, quand ce n'est pas un court-circuit ! Un smartphone étant tenu constamment en mains par les ados et les jeunes adultes, on a vite fait de laisser échapper cette "savonnette" dans une piscine, sa baignoire, une flaque, une rivière, la mer, un lac, un fleuve, ou je ne sais quel autre liquide incongru mais bien réel comme l'eau des WC ! Et c'est sans compter certaines activités nautiques où l'on est susceptible d'emmener son smartphone. Même lors d'une simple randonnée en montagne, on peut être victime d'un mobile qui tombe d'une poche ou d'un sac à dos dans un ruisseau. Plus l'immersion est profonde, plus la pression risque de causer des dégâts.
Fort logiquement, ce sont les modèles les plus chers au-dessus de 700 euros et dans une moindre mesure, ceux entre 400 et 700 euros, qui revendiquent le plus le critère d'étanchéité même si quelques modèles moins hauts de gamme (entre 200 et 400 euros) s'approprient ce même qualificatif.
En haut de gamme, on peut citer la gamme Galaxy S23 Series de Samsung et le Sony Xperia 1 V 5 et en gamme moyenne, ou le modeste Samsung A33 5G qui revendique également une étanchéité. On trouve aussi tous les Apple récents depuis l'iPhone 11 jusqu'au 14 Pro.
La 3e catégorie, celle des balises GPS pour chiens peut surprendre dans un dossier consacré aux appareils photo-vidéo, mais c'est une catégorie très intéressante à étudier car le caractère antichoc et l'étanchéité sont les critères que je considère comme les plus importants d'une balise GPS, hormis bien sûr la qualité de la réception du signal.
Les modèles pros (tels le Tracker G1000) sont plutôt destinés au pastoralisme ou à la chasse. Ils sont protégés contre une immersion de 5 mètres pendant 30 minutes, alors que les modèles grands-publics tels que le récent modèle miniature Weenect XS, sont plutôt sur une base "jusqu'à 1 mètre pendant 30 minutes". Ils sont tous antichocs mais sans nomenclature plus précise.
Quand on lâche un chien en foret, le chien court, saute, et peut traverser des flaques plus ou moins saumâtres (voire y barboter dedans), ou s'ébrouer dans une rivière et bien sûr, courir sous la pluie. Ajoutez les risques de chocs contre un arbre. Une balise GPS accrochée à un collier (ou à un harnais) est donc soumise à de nombreuses pressions qui obligent les fabricants de ce type de produit à concevoir des balises solides. Ca, c'est pour la théorie...
En effet, j'ai eu l'occasion de tester 4 GPS distincts considérés comme étanches (IP67 ou IP68), et de bien galérer avec certains de ces produits, par ailleurs performants et agréables à utiliser.
Pour sa part, le modèle pro est tombé en panne partielle, il ne voulait plus se recharger. La coque est pourtant imperméable. Mais il s'agissait d'un modèle de prêt qui était passé de main en main, ceci explique peut-être cela.
Un autre modèle, le Plug Trace, de norme IP67, est également tombé en panne 2 fois à 3 mois d'intervalle. Il est pourtant prévu pour continuer à fonctionner même lorsqu’il tombe dans un verre d’eau ! Hypothèse : le chien se roulant au sol, et pataugeant parfois dans des flaques de boue, il est possible qu'il ait fragilisé l'électronique. Le modèle le plus récent, le Weenect SX, qui capte la 4G, est pourvu d'une protection partielle en silicone. Il n'est pas tombé en panne pour le moment, mais je manque encore un peu de recul. Fuir absolument le modèle Weenect prévu uniquement pour la 2G (malgré une abondance de bonnes critiques), il fonctionne extrêmement mal en foret escarpée.
(Etanchéité, Tropicalisation)
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