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Rencontres Photographiques d'Arles : un loup dans la ville

22 août 2017 par Thierry Philippon


Près de la sortie, le livre d'Or de l'exposition "La vie dans les Villes" bégayait les mêmes commentaires enthousiastes laissés par les visiteurs hébétés. Sur chaque page, en anglais, français, espagnol, allemand, ou en italien, ce n’était qu’une suite ininterrompue de wunderful, wunderbar, incredibile, prodigioso, sidérant, incroyable, ou encore "merveilleusement angoissant" (pour ma part).
 
Il faut dire que l’exposition de Michael Wolf est un choc visuel (dans le lieu magnifique de l’Eglise des Frères Prêcheurs à Arles), doublé d’une interrogation sur la façon dont nous vivons dans les villes.
 
 
 
 
Michael Wolf, ancien photo-journaliste allemand, s’est reconverti, la cinquantaine passée, à la photo dite « conceptuelle ». Il partage avec nous ses obsessions. Ou plutôt son obsession : la vie dans les villes. Il nous fait découvrir des immeubles aussi tentaculaires qu'inhumains, mais où l’humain, noyé dans cette masse de verre, de pierre ou de béton, reste central, tels "les voisins d’en face" qu'observe James Stewart, dans Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock. Les cadres photographiques du photographe sont de taille très diverses, nous submergeant de leur gigantisme ou nous obligeant au contraire à nous en approcher au plus près.
 
L'adoration pour les villes et les compositions qu'on peut en faire, n’est pas sans rappeler un mélange entre l'univers d'Andreas Gursky, ou celui, moins connu, du documentaire « Unmade Beds » de Nicholas Barker, rythmé par des vues poétiques et voyeuristes sur la façon dont les new-yorkais occupent l’espace de leur chambre à coucher.
 
Comment ne pas penser aussi à l'univers de Keith Loutit, et ses incroyables films en tilt-shift comme celui sur Singapour ?
 
 
 
 
La ville et ses structures d'immeubles créent parfois des effets comiques irréels, comme le buste de cette femme à gauche du cadre qui semble regarder (ou se prolonger par) une jambe (sans corps) à l’opposé en bas à droite... 
 
 
 
 
Mais le sourire laisse rapidement place à l’angoisse avec ces visages dégoulinants, mortifères, scotchés tous les jours aux portes du métro japonais aux heures de pointe (Tokyo Compression). A vous écoeurer du métropolitain pour la vie...
 
 
 
 
 
 
Habitant Hong-Kong, Michael Wolf a aussi beaucoup photographié ces curieux immeubles d’angles de la ville, et plus récemment (2014), il a livré des compositions très inspirées des cheminées des toits de Paris (Paris Rooftops) qui n’ont pas échappé à la sagacité de son oeil très observateur.
 
 
 
 
Mais le clou de l’exposition - et peut-être de l’oeuvre toute entière de ce boulimique de l'image (Michael Wolf a publié près de 40 ouvrages) - est une immense fresque réalisée en 2004, The Real Toy story. Celle-ci se compose de 20.000 jouets en plastique pour enfants, imbriqués les uns dans les autres, et mise en parallèle de photos d’ouvrières ayant pour rôle ingrat de confectionner à la chaîne les jouets des enfants des pays riches. 
 
 
 
 
 
On « appréciera » notamment la photo de cette ouvrière qui se confond avec la poupée qu’elle tient dans ses mains ou cette photo dérangeante des ouvriers handicapés de l'usine, rappelant furieusement ce que deviennent les poupées lorsque les enfants - guidés par leur pulsion parfois destructrice - leur sectionnent un bras ou une jambe.
 
Bref, une exposition qui risque de vous hanter longtemps dans les rues des villes...
 
Dépêchez-vous, il ne vous reste plus que jusqu’au 27 Août pour découvrir cette exposition magnifique. Les autres expos du festival se terminent pour la plupart jusqu'au 24 septembre, excepté celle sur la réalité virtuelle (jusqu'au 31 Août).
 
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La vie dans les Villes - Michael WOLF
 
Eglise des frères Prêcheurs - Arles
 
Rue du docteur Fanton
 
Prix entrée : 10 €.
Prix Pass toutes expos : 40 €.
 
gratuit pour les moins de 18 ans et les arlésiens
accessible handicapés
 
Jusqu'au 27 Août !
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