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La 5G, une technologie à marche forcée ?

20 novembre 2020 par Thierry Philippon


Magazinevideo a l'habitude de publier des actus sur des produits technologiques. Mais ce positionnement ne doit pas nous interdire d'évoquer des actions qui suscitent le débat sur notre secteur. Une technologie est particulièrement dans la ligne de mire de ses opposants : la 5G. L'objet du courroux concerne moins la 5G en elle-même que l'attribution de ses fréquences sur fond d'enchères de l'état. Explications.
 
À l'origine, un groupement d'avocats (Maitres Arnaud Durand & Christophe Lèguevaques), ont lançé une pétition sur le site g5raisons.fr contre les conditions d'attribution de la 5G aux opérateurs français. A l'issue de cette pétition qui a rencontré un succès d'estime (62000 signataires), une "action collective" a été décidée, nommée "STOP 5G". En 6 mois, 7087 participants (à la date de ce jour) se sont engagés dans une action en justice (*). Dès que le groupe aura atteint les 7500 citoyens, l'offensive contre l'attribution des fréquences de la 5G pourra débuter avec une assignation devant le juge judiciaire d'Orange et Free, ainsi que de Bouygues et SFR.
 
On connaît l'impact potentiel de ce type d'action de groupe. Mais le temps presse. En effet, depuis le 18 Novembre 2020, en théorie, les opérateurs peuvent développer et émettre en 5G. Toute action doit donc se faire sans tarder sans quoi le processus risquerait d'être irréversible.
 
L'action en justice qui prend la forme d'un recours, développe 3 arguments : 
 

1) argument économique

En France, l'attribution de la 5G n'a nécessité que 3 jours (au lieu de 15 prévus) et a rapporté "seulement" 2,8 milliards d'euros à l'État, alors que la mise à prix était de 2,1 Milliards d'Euros. Une somme de près de 3 milliards d'euros peut paraître conséquente mais elle est en réalité très faible. Ainsi en Allemagne, la 5G déployée par 4 opérateurs, a rapporté 6,5 milliards d'euros. En Italie, après 14 jours d'enchères qualifiées de "frénétiques", les ventes ont rapporté une somme identique à l'Allemagne. 
 
Autre comparaison, la 4G en France a été vendue 9 M€ par Mhz, ce qui lui avait permis de rapporter 80 M€ par Mhz, soit dix fois le prix auquel la 5G a été "vendue". Pourquoi un tel écart ? On n'a pas la réponse. 
 
En France, les opérateurs n'auraient-ils pas poussé à la baisse ? L'état aurait-il cédé, bradant la 5G aux opérateurs ? En tout état de cause, le "gendarme des télécoms", l'Arcep,(**) qui est une Autorité de contrôle, n'a pas rempli sa mission. 
 

2) argument lié à la Convention Citoyenne pour le Climat

Les observateurs qui ont suivi les évolutions de la 5G s'en souviennent probablement. La Convention Citoyenne pour le Climat déclenchée suite au mouvement des Gilets jaunes, a eu lieu d'octobre 2019 à juin 2020 en réunissant des citoyens appuyés par des experts. 149 recommandations se sont dégagées des réunions et rendues publiques le 21 Juin 2020. Parallèlement, le Président de la république a pris l'engagement le 29 Juin 2020 de retenir les 150 propositions sauf 3 considérées comme "jokers" et dont faisait partie la réduction de la vitesse à 110 Km/h sur autoroute, la taxe de 4% sur les dividendes et la réécriture du préambule de la Constitution. Ces trois jokers ne seraient donc pas débattus. 
 
Force est de constater que la 5G n'était donc pas incluse dans les jokers. Pourtant elle a été écartée, à la manière d'un 4e joker sorti du chapeau. Les participants à la Convention Citoyenne avaient pourtant proposé pour elle un principe simple de précaution sous la forme d'un moratoire sur la mise en place de la 5G, le temps de réaliser toutes les études requises. Cette proposition faisait même partie de celles qui avaient recueilli le plus de suffrages puisque 98 % des citoyens de la Convention ont voté pour cette proposition de moratoire.
 
Monsieur Macron a visiblement changé les règles du jeu après le 29 Juin en écartant de la convention citoyenne la question de la 5G. Problème pour lui : outre un engagement moral non respecté, le Président n'est pas le seul garant. Il a formalisé un engagement au nom de la Nation, ce qui fait que l'Arcep ne pouvait normalement pas octroyer les fréquences dans ce contexte. Dès lors, le Conseil d’Etat devra constater une violation de ce « contrat moral". 
 

3) argument sanitaire

C'est l'un des arguments sans doute les plus connus et qui occasionne les débats les plus contradictoires. En l'absence d'étude suffisamment sérieuse sur les effets de la 5G, on navigue dans des incertitudes sanitaires. Selon les avocats qui lancent la procédure en assignation, les études existent mais elles se sont accumulées sur des bandes qui courent jusqu'au 2,5 Ghz. Dès 3,5 Ghz, les informations manquent et recommandent plutôt la logique d'un principe de précaution. Un recul de dix ans minimum paraît indispensable pour y voir plus clair sur la question. Sur ce principe, l'ARCEP, toujours elle, avait l'obligation de ne pas passer outre. Or l'Autorité de régulation donne l'impression de s'être précipitée pour que les fréquences soient attribuées avant Noël. C'est d'autant plus regrettable que l'ARCEP n'a pas d'experts en son sein. Elle ne pouvait donc pas prendre de décision sans récolter des avis émanant d'autorités indépendantes et internationales.
 
L'organisation mondiale a notamment mis en alerte sur la dangerosité potentielle de la 5G. A-t-elle été écoutée ? L'ARCEP aurait-elle satisfait à l'appétit des opérateurs ? L'examen des faits sème le doute.
 
A la décharge de l'ARCEP, elle a pu être influencée par un discours qui martèle que les usages se sont tellement démultipliés que les experts estiment qu'en 2022 le réseau 4G, lancé en 2013, serait saturé. Affirmation difficilement vérifiable dont on notera qu'elle émane du président de la Fédération française des Télécoms, Nicolas Guérin. Faut-il le croire sur parole ? Difficile à dire...
 
 
Mais si les décisions semblent s'être accélérées, c'est aussi pour une autre "bonne raison". La France doit s'harmoniser au niveau du droit européen, avec une date butoir. Or la France, comme le montre le graphique ci-dessus, est en retard. Pour donner un point de comparaison, l'Allemagne a déjà fait ses attributions de fréquences depuis juin 2019, soit presque depuis... 1 an 1/2. 
 
 
 

La 5G, promesse en trompe-l'oeil ?

 
La "class action" évoquée plus haut ne bataille pas sur les aspects sociétaux ou purement écologiques de la 5G. La 5G est pourtant le théâtre de bien des questions souvent évacuées au nom de la "révolution industrielle" (***).
 
La 5G soulève en effet des questions qui méritent d'être posées comme l'utilité réelle pour le consommateur, le risque de surveillance accrue des systèmes interconnectés ou encore celui de voir le renouvellement des smartphones (****) s'accélérer pour s'adapter à cette nouvelle fréquence, ce qui sera évidemment dommageable pour la planète.
 
Également évoquée les risques de surconsommation pouvant résulter de l'utilisation de la 5G, d'autant que cette technologie réduit le temps de latence, favorisant les jeux en ligne particulièrement voraces en termes de bande passante.
 
Autre argument que mettent en avant les détracteurs de la 5G, les opérateurs vont inexorablement répercuter les prix sur les consommateurs, du moins les premières années. Ainsi le premier prix de l’abonnement 5G chez Orange (c'est un exemple) est supérieur au prix le plus cher d’un abonnement 4G. Pour un même forfait de débit de données de 70 Go, le tarif d'un forfait 4G compatible 5G commence à 24,99€ (39,99€  après un an) contre 19,99€/mois pour un forfait 4G (34,99€ après un an).
 
Signalons pour terminer, que la 5G est une promesse mais les performances ne semblent pas au rendez-vous. Ainsi aux Etats-Unis et surtout en Corée du Sud, pays le plus avancé dans le déploiement de la 5G, plus de 500.000 personnes (sur 8,5 millions d'abonnés) se seraient désabonnés de leur forfait 5G. Le motif ? Au pays du Matin calme mais surtout de puissances industrielles ô combien représentatives comme Samsung et LG, la 5G serait à la fois égale en vitesse à la 4G, moins stable et subirait des coupures de réseaux en raison d'une moins bonne couverture que la 4G ! Le coupable : le choix de la 5G dite "non-autonome" qui s'appuie en réalité sur une large part sur les antennes 4G. Certes une nouvelle technologie met toujours du temps pour s'installer mais les arguments commerciaux, eux, ont promis dès à présent une vitesse environ 20 fois supérieure, promesse qu'ils ne parviennent pas à honorer. 
 
Bref, d'après certains experts, et en dehors de toute considération polémique, la vraie 5G ne serait pas réellement opérationnelle avant 2023 ou 2024. On est actuellement dans une sorte de fausse promesse vendue à marche forcée, d'autant que les conséquences sanitaires de la COVID19 vont impacter les développements au moins jusqu'en 2023... 
 
Une certitude : l'avenir le dira.
 
 

Notes

(*) Cette assignation a un coût pour rémunérer les avocats qui lancent cette procédure et les équipes autour. Aussi est-il demandé aux participants un Abonnement de soutien de 3,50€/mois minimum pendant 12 mois. Le montant du soutien peut aller jusqu'à 25 euros / mois.
 
(**) ARCEP = Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes
 
(***) Le terme de révolution industrielle s'apparente à un élément de langage, régulièrement repris dans les communiqués de presse des opérateurs et maintenant bien installé dans de nombreux medias.
 
(****) On notera le refus de la société Fairphone d'intégrer la 5G dans ces nouveaux mobiles Fairphone 3+, considérant que la 4G est déjà suffisante.
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