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Homo Sapiens, quand la réalité rejoint la fiction

05 mai 2017 par Thierry Philippon


Un univers ponctué d’images cinéma (presque) totalement fixes où l’homme a laissé sa trace mais semble avoir tout abandonné du jour au lendemain : usine désaffectée, salle de spectacle balayée aux quatre vents, bureaux laissés à l’abandon, villes désertées, hôpital abandonné, prison vidée, cheminées envahies par les oiseaux, grand huit balayé par les vagues ...
 
C'est l'univers dans lequel Nikolaus Geyrhalter, réalisateur autrichien, nous embarque à travers son film au titre prophétique, Homo Sapiens.
 
 
Homo Sapiens plonge le spectateur dans l’atmosphère et un décor qui ont quelques liens de parenté avec des films d'anticipation comme Je suis une légende, Inception ou encore la Planète des singes. Une scène évoque même de façon troublante l’univers de Brazil de Terry Gilliam. A deux différences près : dans Homo Sapiens, aucun humain survivant n’apparaît à l’image, aucune parole n’est prononcée, même pas un commentaire en voix off. Et autre différence de taille, les lieux filmés ne sont pas en carton-pâte ou en 3D mais bien réels ! 
 
 
Homo Sapiens prend le spectateur à la gorge, lui montre un miroir de lui-même. Car ce que le film dénonce en arrière-plan des images insolites qu’il nous donne à voir, sont les conséquences de la main de l’homme sur la nature. Nous, terriens, humains, abandonnons nos déchets et parfois nos bâtiments, un peu partout. Et la manière dont la nature, blessée, envahit à son tour les constructions de l’homme, sont comme un signe de rébellion.
 
Le thème environnemental est une préoccupation qui signait déjà le précédent film de l’auteur (notre Pain quotidien),  sorti en 2007, oeuvre qui montrait les ravages de l’industrie agro-alimentaire. Mais Homo Sapiens va plus loin : il fascine et plonge le spectateur dans un rêve hypnotique où l’imagination galope, scrutant le moindre indice qui permette de retracer la façon dont chaque lieu a pu être habité. On cherche à comprendre ce qui a poussé nos congénères à laisser les lieux dans un tel état d’abandon. Au passage, suggérer autant la présence humaine sans la montrer une seule fois est un beau tour de force... 
 
 
Il faut saluer aussi la somptuosité des plans et le grand sens du cadrage du réalisateur. Photographe à la base, Nikolaus Geyrhalter maîtrise son cadre jusqu'à l'obsession. On est ébahi face au travail de repérage qu’il a fallu mener pour découvrir tous ces lieux improbables, principalement situés en Europe, Etats-Unis, Argentine et Japon. Cependant le réalisateur explique n’avoir pas rencontré tant de difficultés à trouver des lieux abandonnés, le plus difficile était de filmer avant que ces lieux n’aient changé.  
 
L’autre force d’Homo Sapiens est de n’apporter aucune réponse, mais de faire en sorte que nous nous posions des questions à chaque plan  : l’humanité ressemblera-t-elle au film si nous continuons à dérégler le climat et à polluer la planète avec autant de frénésie ? Est-il déjà trop tard ou peut-on encore faire quelque chose ? Des événements comme ceux de la Centrale de Fukushima (certaines scènes du film se déroulent non loin de cette Centrale), peuvent-ils servir de sonnette d’alarme ?
 
 
Le film fascine mais dérange en même temps, jusqu’à l’inconfort ou l’ennui, selon le tempérament du spectateur. Il faut reconnaître que c’est une oeuvre qui demande un effort - vous voilà prévenu - car il se compose de plans totalement fixes d’au moins 30 secondes en moyenne, sans le moindre humain, ni commentaire, ni aucun sous-titre permettant de situer les lieux.
 
Quand le film passe au cinéma, Homo Sapiens voit régulièrement des spectateurs quitter la salle avant la fin, les plus impatients (ou les plus angoissés ?) ne tiennent même pas jusqu’au tiers du film qui dure 1H30, la durée d’un long-métrage de cinéma. Aussi, pour être honnête, le DVD proposé par la structure indépendante blaq out (voir en fin d’article) présente cet avantage sur la salle de cinéma de permettre de faire une pause et peut-être, de mieux apprécier les scènes. Il importe aussi de découvrir les images sur un écran le plus valorisant possible.
 
 
Au final, le film dure une heure trente comme un vrai film de cinéma. C’est une classification de genre que revendique Nikolaus Geyrhalter, qui a le sentiment d’avoir construit un film avec une narration, des sons ajoutés (plus vrais que nature mais presque tous ajoutés) et un traitement numérique de certaines images pour magnifier certains décor naturels. Sous l’apparence d’une suite d’images, celles-ci sont rythmées et agencées de manière à raconter une histoire. On notera d’ailleurs le travail fin du montage, qui s’attarde un peu plus longuement sur les images qui fourmillent de détails et agence certains lieux en les mélangeant lorsqu'ils servent la narration.
 
Le film avait un autre titre à l'origine, il se nommait : un Jour ou l'autre... Espérons que la prise de conscience de l'Homo Sapiens fera mentir cette prophétie...

 
Distribué par blaq out
Prix public conseillé : 20 €
En vente depuis le 2 Mai 2017
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