En vidéo, Nikon voit ROUGE !

Le 7 mars 2024, une annonce du monde vidéo professionnel ne passe pas inaperçue. Contre toute attente, Nikon déclare avoir racheté les parts de la société américaine RED.com LCC, fabricant des célèbres caméras RED (One, V-Raptor (X), Komodo, Raven...). RED devient de fait une filiale de Nikon (!), tout en gardant apparemment sa propre entité. 

 

Si les caméras RED sont moyennement connues du grand-public, elles sont abondamment présentes dans la sphère professionnelle depuis 2005, symbolisant le cinéma numérique (de très nombreux films de cinéma sont tournés avec des RED), tout comme les caméras Arri ou Sony. Les caméras RED défraient souvent la chronique par leur caractère innovant, sur fond d'attirance pour les start-up à l'américaine. Rarement une entreprise fabricant des caméras, a autant fait parler d'elle, même de la part de ceux qui ne peuvent pas être clients, les produits étant d'un prix trop élevé pour leur budget. 

 

 

C'est pourquoi l'annonce du rachat de RED par Nikon provoque une onde de choc dans cette industrie, d'autant que cette reprise est totalement inattendue. Elle l'est d'autant plus que les deux protagonistes de cette "fusion" étaient davantage en bisbilles judiciaires qu'en perspective de rachat !

 

En effet, depuis quelque temps, RED cherchait querelle à Canon pour avoir implémenté sur ses boîtiers Z9 le fameux codec vidéo RAW compressé (N-RAW) dont il était propriétaire et usurpé au passage 7 brevets que possédait RED. Du moins est-ce ainsi que la firme américaine défendait ses brevets aux contours jugés parfois trop flous. Le procès qui s'est déroulé en Californie, a d'ailleurs conclu à un non-lieu, et Nikon n'a donc pas été condamné. Un accord a-t-il eu lieu entre les parties comme cela se produit parfois pour éviter des frais de justice ? Rétrospectivement, c'est une hypothèse vraisemblable dont les événements du 7 mars dernier seraient le prolongement. 

 

L'annonce de ce rachat est en tout cas susceptible d'avoir des effets indirects d'importance - aussi bien en vidéo pro qu'en grand-public - allant au-delà de cet accord. En effet, compte tenu de l'acquisition de la technologie RED, et de ses brevets aptes à coder en RAW de la 4K, 6K ou même 8K, les experts s'interrogent sur la manière dont les futurs boîtiers hybrides Nikon vont se développer en pro, maillon faible de la marque japonaise jusqu'à présent. Si du moins, Nikon veut aller sur le même terrain que RED, ce qui n'est pas certain. On pourrait imaginer que l'entreprise japonaise cherche surtout à concurrencer la gamme Sony et sa série FX par exemple ainsi que Canon... Une certitude : RED est spécialisé en capteurs (le "Global Shutter", le développement d'un RAW de qualité en 8K...) et en colorimétrie. Et Nikon avance d'un grand pas dans l'industrie cinématographique, ce qui manquait cruellement à son catalogue.

 

Par un effet ricochet, les acteurs du marché pro que sont Sony, Canon et Panasonic pourraient être amenés à modifier leur stratégie. Enfin, dernière conséquence et non des moindres, Sony qui fournit ses capteurs à Nikon, pourrait désormais se voir damer le pion par les capteurs RED.

 

L'avenir tant technologique qu'humaine de RED questionne également. Technologiquement, que va devenir la monture RF de RED ? Dans la mesure où Nikon dispose de sa propre monture (Nikon Z), il semblerait logique que celle-ci s'impose à la faveur du rachat.

 

Enfin, humainement, la firme RED est dynamique mais petite (200 salariés environ) par rapport à Nikon Corp qui est un mastodonte avec près de 19000 employés (chiffres 2022) ! Et c'est sans parler des différences de management entre les cultures américaine et japonaise...

 

Une probabilité : l'accord semble surtout avantager Nikon qui devrait tirer profit de l'excellente image et de la technologie dont dispose l'entreprise américaine aux 3 lettres.

 

Une certitude : il va être de plus en plus difficile de dissocier Nikon de la vidéo !

 

A suivre...