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Crier au loup : quand l'image ne fait pas preuve

21 mai 2021 par Thierry Philippon


C'est un vrai cas d'école photographique qui vient de se produire dans le Clunisois, micro-région située en Saône-et-Loire, à proximité de Cluny. Le fait est assez rare : un dispositif technique a réussi à confirmer la preuve du passage d'un animal prédateur et déclencher une procédure préfectorale. Sauf que la preuve n'en est pas tout à fait une. Rappel des faits sur cette histoire paradoxale...
 
Depuis plusieurs mois, des attaques de troupeaux (brebis essentiellement) se sont produites dans différents lieux du Morvan et du Clunisois. À chaque fois, pas de témoin direct. Des dizaines d'animaux d'élevage sont morts. Un comptage récent fait état de 160 animaux blessés ou tués depuis le 20 avril dernier. Les éleveurs, on le comprend, sont dépités et dépassés par ces attaques. 
 
Une forte suspicion, thèse défendue par les éleveurs, désigne un coupable évident : le loup. Une thèse crédible sur le papier car le loup est présent dans différentes régions du territoire, pas seulement dans les Alpes comme on pourrait le croire. Le prédateur circule aussi en plaine et dans certaines forets de France. Il y en aurait jusqu'à 500 en France. C'est par ailleurs un animal malin, capable de parcourir des dizaines de kilomètres par jour, seul ou en meute. 
 
Précisons que le loup est un animal protégé mais qui n'a pas été réintroduit à la manière du fameux ours des Pyrénées. Son implantation est donc naturelle, en provenance de l'Italie d'après les experts de l'OFB (Office français de la Biodiversité). Lesquels experts se sont donc penché sur l'origine des attaques.
 
Problème, ils ont été bien en peine d'affirmer si les ovins avaient été attaqués par un loup... ou un chien errant car la trace des mâchoires (pas assez grande selon eux) ne confirme pas totalement l'hypothèse du loup. Et en l'absence de témoin direct, difficile d'incriminer avec certitude un loup. L'OFB a même tranché : ce n'est pas un loup, ont-ils déclaré le 7 mai dernier.
 
Mais les attaques ont continué, provoquant la colère des éleveurs. La Préfecture a donc ordonné de placer des pièges photographiques à vision nocturne avec détecteur de mouvement. C'est encore l'OFB qui s'en est chargé. Et bingo. Après quelques jours de planque, un appareil photo a fini par "flasher" de nuit le fameux prédateur (6 photos de la bête) dans la région même où les attaques ont eu lieu.
 
Le Préfet a ainsi pu, conformément à la Loi, déclencher un "plan loup" qui permet d'indemniser les dégâts causés aux éleveurs, et autorise le développement d'un "protocole d'intervention sur l'animal". Comprenez par là : l'autorisation de tirer sur le loup, du moins en cas de situation de défense du troupeau (il faudra qu'on m'explique le cadre précis). 
 
Le Préfet s'est donc abrité derrière la Loi en se basant sur la preuve photographique à partir de laquelle des experts ont pu cette fois formellement reconnaître la physionomie précise d'un loup et non celle d'un chien. 
 
Mais doit-on appeler cela une preuve par l'image ? Certes un loup a été aperçu et capturé sur 6 clichés, certes c'est bien un loup, et certes il évolue bien dans la région, mais est-ce pour autant un "flagrant délit" ? Non. Le loup circule naturellement et dans l'absolu, il est possible qu'il soit passé par là et que le piège photographique l'ait capté. La récente terrible histoire de cette jeune femme dévorée par son propre Pitbull terrier en 2019, prouve que toutes les éventualités sont parfois à envisager. 
 
Moralité :  une preuve par l'image n'est pas une preuve absolue. Quoi qu'en ait décidé un Préfet.
 
© Photo : Office français de la Biodiversité
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