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La série Urgences au scalpel

La série télé moins futile qu'elle n'en a l'air

 

29 septembre 2005 par Thierry Philippon

 

Michael Crichton, Créateur de la série, scénariste et producteur. Vous ne lui trouvez pas un petit air du docteur Carter ?


Diffusée sur France 2, la série Urgences reprend du galon en septembre 2005 pour la 11e édition consécutive ! Et une 12e saison devrait pointer son nez en 2006. Un vrai succès qui s'explique par une habile alchimie entre une thématique forte, des épisodes intenses et des acteurs crédibles et touchants. Mais des raisons sont aussi liées à une écriture télévisuelle particulière.


D'abondants articles ont décortiqué la série américaine, plusieurs fois récompensée aux Etats-Unis et même en France où elle a obtenu le 7 d'Or de la meilleure série étrangère. On ne compte plus les décryptages sur un plan médical (débat sur l'authenticité des actes chirurgicaux), " psi " (pourquoi le thème des Urgences stimule autant l'imaginaire), ou encore médiatique (la starisation passée de George Clooney, la genèse de la série avec la maison de production de Spielberg, la tentative ratée de Jeanne Moreau…). Peu se sont intéressés au strict plan télévisuel de fabrication des images. La série exploite pourtant un langage particulier qui stimule l'attention.


Les visuels sont principalement ceux de la saison 6.



> LIRE LA SUITE : Exploitation du montage alterné

Exploitation du montage alterné

Cette forme de montage régit intégralement le mode d’écriture de la série depuis 11 éditions. Peu d’épisodes y échappent, hormis quelques rares exceptions au sein de la saison 8 notamment et plus récemment, avec un épisode étrange de la saison 11, entièrement dédié aux méfaits de l'alcoolisme. Urgences n’est pas seul à exploiter le montage alterné mais pousse le procédé au paroxysme. On comprend les raisons de ce montage réputé incisif et nerveux. Le concept de la série est de montrer que le service des Urgences d’un C.H.U. est une ruche où la vie côtoie la mort, côte à côte, en même temps. Le montage alterné est là pour témoigner de l’action parallèle des médecins urgentistes qui se répartissent les personnes en souffrance, les accidentés légers et les cas désespérés. Bien sûr, la part de romance et les impératifs scénaristiques grossissent le trait.


Mais ce type de montage permet aussi de suivre des personnages de la série à l’extérieur de l’hôpital pendant que le travail des autres se poursuit à l’intérieur. Les concepteurs y tenaient sans doute pour renforcer une idée simple : une fois la blouse blanche enlevée, les médecins sont non seulement des gens comme les autres mais les souffrances qu’ils côtoient dans le milieu hospitalier ne les rendent guère mieux armés face aux soucis de leur propre existence. Ils ont des peines de cœur (Kovac, Carter), font face à des problèmes relationnels (Sam et Kovac, Carter et son amie, Elizabeth et Marc autrefois...), ont des relations complexes avec leur famille ou leur enfant (Benton et son enfant sourd, Sam et son enfant), vivent une relation homosexuelle masquée sur fond de problème de garde d'un enfant (Kerry) ou luttent contre l’alcoolisme (Abby)...


(*) Le montage alterné désigne deux scènes A et B, montrées tour à tour, qui ont la propriété d’être simultanées et où les protagonistes de A et B finissent généralement par se rejoindre (ce n’est pas systématique). Le montage parallèle, lui, ne joue pas sur cette synchronicité temporelle ni sur des personnages qui se rejoignent mais établit plutôt un rapport sémantique, esthétique ou moral entre deux scènes. Ces terminologies sont toutefois nuancées, voire contestées par certains professionnels, pour qui montage alterné et parallèle sont synonymes avec quelques variantes.


 


(La série Urgences au scalpel)

De l'art du Steadicam

Habituellement, l’exploitation du Steadicam s’impose pour des prises de vues très spécifiques, voire acrobatiques. En apparence plus " classiques", de nombreuses séquences d’Urgences font pourtant appel à ce drôle de harnais. Elles représentent jusqu’à 10% à 15% d’un épisode (quelques exceptions). C’est beaucoup, mais justifié. La fluidité du Steadicam, qui procure une indéniable touche esthétique, n’est pas à considérer sur le seul plan technique. Elle est aussi narrative. Car elle contribue à rendre l’action plus réelle. Suspendu aux événements qu’il visualise " en live ", le spectateur est amené d’une salle d’opération à une autre, comme s’il partageait les allées et venues soutenues du personnel hospitalier.


Paradoxalement, le Steadicam est aussi exploité pour des plans plus anodins. Comme ce mini plan-séquence de 38 secondes (voir captures) entre Elizabeth et Kovak, qui débattent à propos de la transplantation (urgente !) d’un rein, font quelques pas dans les couloirs du service, puis se positionnent près d’un comptoir. Ce type de scène, fréquent dans Urgences, évite un perpétuel découpage en champ-contrechamp. Et rompt du coup avec les codes télévisuels habituels. On est ici plus proche des techniques du cinéma d’action que des séries télévisuelles classiques.


Mais le Steadicam ne fait pas tout. La fluidité technique et langagière des prises de vues est aussi soutenue par une continuité visuelle de l’épisode. Du moins en Europe... Car aux Etats-Unis, Urgences est coupé à trois reprises (toutes les 12 minutes environ) par des spots publicitaires dévastateurs. Ces coupures sont remplacées en France par trois fondus au noir discrets et rapides, permettant de rester immergé dans l’ambiance de l’épisode. Les organismes régulateurs (CSA...) ont parfois du bon quand ils réglementent la publicité.


Allié naturel du Steadicam, le plan-séquence est un autre dénominateur commun à de nombreux épisodes d’Urgences. On remarque surtout ce type de plan lors de la première séquence qui suit chaque générique (lorsque les noms du staff de production s’incrustent à l’écran). Ainsi, lors de la saison 6, l’un de ces plans-séquences force l’admiration : d’une durée de 1’21’’, il met en scène 13 personnages qui se croisent en perpétuel mouvement et 14 échanges de dialogues ! Ce type d’enchaînement requiert une importante préparation pour l’équipe technique et les acteurs qui doivent prendre des marques d’autant plus précises que le nombre d’enchaînements est grand et la mise en œuvre, complexe.


 

Urgences est coutumier de petits défis techniques : les producteurs ont tenté dans le 1er épisode de la saison 4 (diffusé en France en septembre 1998) un "Direct aux Urgences" (en anglais : Ambush). Autrement dit, filmer avec plusieurs caméras (18 !) sans renouveler une prise si elle ne convient pas. Cet exercice " sans filet " a assuré un succès public énorme doublé d’une audience historique, mais l’équipe technique et les comédiens (dont le fameux Ross incarné par l’irrésistible George Clooney) furent plus que réservés : inévitablement, les hors champs, et erreurs de synchronisation entre les personnages se sont accumulés. On pardonne...



(La série Urgences au scalpel)

L'anti-happy end

L’éviction de Douglas Ross, sa séparation poignante avec Carol, la démission fracassante de Benton, l’éthylisme d’Abby, le crime envers Lucy, le passé très douloureux de Luka Kovak, le cancer fatal de Marc, l'écrasement d'un hélicoptère sur le chef (certes antipathique) Romano … Les stéréotypes américains sont ici balayés : pas de happy end, et des spectateurs inconsolables face à la disparition pathétique de l’un des personnages préférés, le docteur Marc Greene. En fait, la série alterne savamment quelques moments heureux et autant de fins tragiques. Les auteurs font preuve d’une habile cohérence : Urgences conserve ainsi son caractère authentique, avec un versant social " documentaire " ; en d’autres termes, une facture proche de la vraie vie : des moments heureux comme des drames.


Les scénaristes ont dû aussi fatalement adapter l’histoire en fonction des désirs de certains acteurs de découvrir d’autres horizons professionnels. Du coup, il a fallu faire en sorte que certains personnages quittent cette saga (*) de façon plausible. Une démission, une rupture sentimentale, un accident, un décès sont parmi les composantes scénaristiques naturelles qui s’imposaient. La force d’Urgences, c’est aussi d’avoir fait reposer son succès sur plusieurs personnages et non une unique star. Malgré une légère baisse d’audience (aux Etats-Unis), ces personnages attachants contribuent indiscutablement au succès de la série.


(*) De mémoire de série télévisée, aucune n’a osé changer une partie de ses stars en cours de route ! Il est vrai que certains piliers sont là ou sont restés suffisamment longtemps pour maintenir le fil d’Ariane d’Urgences… Ainsi Peter Benton et Marc Greene, présents depuis l’origine, sont restés jusqu’au milieu de la saison 8. Kerry Weaver, est toujours la chef des Urgences depuis la saison 2, suivie par Elizabeth Corday. Enfin, Carter, est présent… depuis l’origine ! Pour l’anecdote, sachez que sa mère était infirmière et que l’acteur consacre la plupart de son temps libre à l’organisation internationale à but non lucratif : "Doctors of the World " (Médecins du Monde). Il y a des rôles qui marquent...


 


(La série Urgences au scalpel)

Une éternelle suite ?

Urgences se caractérise aussi par un astucieux découpage qui peut expliquer la fidélisation du spectateur : chaque épisode a sa propre autonomie jalonnée de mini-intrigues et se conclue par une non-fin, nécessitant de découvrir l’épisode suivant pour connaître la suite. L’épisode suivant génère à son tour de nouvelles histoires autonomes ou reprend l’intrigue de l’épisode précédent en laissant le spectateur dans le doute sur l’issue finale. Cette ligne de conduite peut engendrer de fortes frustrations. Ainsi lors de la fin de la saison 8, l’histoire s’est interrompue au beau milieu d’une suspicion de contamination variolique du service des Urgences et une mise en quarantaine d’Abby et de Carter, après la mort d’un enfant. Il aura fallu attendre 10 mois pour connaître la suite de l’épisode (saison 9 ) ! Avec un très hypocrite "Urgences revient bientôt " de la part de France2 !



(La série Urgences au scalpel)

La carte de l'émotion

Urgences sait aussi jouer la carte de l’émotion. C’est le cas de cette magnifique scène, pourtant très courte (une vingtaine de secondes), qui conclue un des épisodes de la saison 6 (*). La séquence se déroule dans l’appartement de Marc. Ce dernier est accompagné de son père que le cancer a condamné. Marc le sait. Ils regardent ensemble de vieilles photos. Subitement, l’une d’elles montre un portrait attendrissant de Marc, enfant, et son père plus jeune.


 

La construction de cette scène renforce l’émotion par un procédé de rapprochement. Marc et son père sont de dos en amorce. La photo est tout d’abord présentée, vue de loin. Au plan suivant, les deux compères sont montrés de profil, s’interrogeant sur cette photo dont ils avaient oublié l’existence. Puis la caméra resserre sur la photo. Puis alternativement sur Marc en léger zoom avant. Enfin, le plan se stabilise sur la photo plein cadre. La musique chevauche le début du générique de fin (procédé récurrent dans Urgences), donnant tout le liant sonore et l’émotion à la scène.


(*) intitulé " Situation Contrôlée ".



(La série Urgences au scalpel)

Urgences en bref

Urgences en bref...


-Titre original : E.R. (Emergency Room).


-Diffusion : NBC (Etats-Unis), France2, tous les dimanches soir en prime time de mi-septembre à mi-novembre.


-Créateur de la série, scénariste et producteur : Michaël Crichton (Jurassik Park).


-Production : Constant c Productions/Amblin Television en association avec Warner Bros.


-Producteurs exécutifs : Michael Crichton et John Wells.


-Scénariste principal : Lance Gentile.


Urgences en vidéo


Pour l’instant, seules des VHS sont éditées par Warner Bros en version française jusqu’à la saison 6. Prix des K7 : 14,03 euros, 27,75 euros, 39,99 euros (coffret), 41,62 euros (coffret). Le 1er DVD commercialisé sera celui de la 1ère saison. Il sera dans les bacs le 26 Août aux Etats-Unis et à l’automne en Europe.


Urgences sur Internet


Un site français très dynamique regroupe toutes les informations sur la série, avec de très nombreux visuels (+ de 1000 !). Régulièrement mis à jour, c’est le site des passionnés d’Urgences qui peuvent s’exprimer à loisir sur un forum très animé. Ne manquez pas ce site bien documenté qui va au-delà du simple regroupement de fans.


http://www.urgences-la-serie.com/







(La série Urgences au scalpel)

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