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Revue Epic (n°1) : rythme lent, grandes images

15 février 2021 par Thierry Philippon


J'ai choisi de vous parler aujourd'hui d'un trimestriel photo (daté janvier-février-mars 2021) dont c'est le n°1. Elle - car c'est une revue - a pour nom Epic et comprend 184 pages. Elle est proposée à 19€, un prix (de lancement ?) raisonnable. Un tarif à saluer attendu que la revue est dénuée de toute publicité. Pas une seule page pour le dernier forfait 5G en date, la dernière SUV à la mode ou le dernier format tchon-tchon à 1 euro qu'il vous faut. Le rêve, non ? Voilà qui permet de faire connaissance avec cette publication pas comme les autres qui se définit comme un media lent avec des images larges.
 
Epic privilégie en effet l'image, la photo, à la manière d'un Festival photo qui présenterait le travail de plusieurs photographes avec de grandes photos, et des légendes pour contextualiser / documenter. Chaque travail est suivi d'une "conversation" de quelques pages permettant d'en savoir davantage sur l'auteur-photographe, son parcours, ses reportages, ses galères...
 
 
La formule des fondateurs d'Epic, Jean-Matthieu Gautier et Ambroise Touvet, est osée, détonante, surprenante, artisanale, mais sacrément plaisante. Elle en met "plein la vue", au sens propre comme au figuré, avec ses grandes photos pleine page, ou parfois, des compositions en demi-pages. Toujours documentées, les photos combinent la bonne et la belle photo, celle qu'on aime savourer et observer. Celle où l'on se dit : ah quel "Instant décisif"... !
 
Mais de quoi parle-t-on exactement le long des pages d'Epic ? On parle de 4 récits : 
 
 
Dans le reportage Artic Fishing, on plonge dans le quotidien halieutique de Joanna et Roger, un jeune couple de pêcheurs de îles Lofoten en Norvège. Des durs à cuire qui ont appris au photographe Tim Franco à éviscérer des skreis (des morues migratrices) de plus de 20 kilos ! Des photos envoûtantes, prises parfois dans des conditions météorologiques pas évidentes.
 
 
Changement de décor total avec les Wakhis du Pakistan photographiés par Matthieu Paley. Contre toute attente, ce peuple poursuit les activités traditionnelles (ramassage du bois, élevage) face à la modernité. Les nouvelles technologies se sont immiscées dans les  majestueuses montagnes du Karakoram. Même ici, on se rencontre de plus en plus via les réseaux sociaux et on se marie légalement... par amour ! On est pourtant au Pakistan où les traditions sont fortes. Le récit du photographe qui fait suite aux photos montre que l'auteur a connu cette région avant et après le 11 septembre, avec les changements radicaux sur le tourisme occidental que cet événement a provoqué. 
 
L'attention et l'intérêt sont maintenus en parcourant les pages photographiques des enfants de Carrowbrowne, une minorité ethnique irlandaise qui vit dans des mobiles-home. L'une des photos de ce reportage illustre la couverture de ce premier numéro d'Epic. Tamara Eckardt, la photographe, n'a que 25 ans mais déjà, beaucoup de talent visiblement. Contrairement aux auto-récits des autres photographes, Epic a interviewé la photographe sous la forme classique d'un questions-réponses.
 
Enfin, on se délecte aussi avec les photos plus personnelles de Sylvain Biard, un photographe venu de la vidéo, le chemin inverse du parcours habituel  ! 
 
Notez qu'en guise d'apéritif, vous trouverez une rubrique nommé Canvas qui rassemble des images sélectionnées sur proposition ou repérées grâce au hashtag #revueepic. Pourquoi pas votre tour la prochaine fois ? 
 
Enfin les dernières pages de la revue Epic sont consacrées à deux portraits, l'un de Shomei Tomatsu, père de la photo japonaise contemporaine, l'autre sur Sandrine Roudeix, à la fois romancière et photographe. 
 
Les toutes dernières pages jouent une fois encore la carte de l'originalité avec un exercice de pédagogie photographique destiné aux enseignants et à leurs élèves. La thématique est grave (le meurtre de Samuel Paty) mais la conception est particulièrement réussie. L'exercice se présente sous la forme d'une seule photo à analyser, suivie d'un questions / réponses à poser aux élèves : qu'est ce que la satire, quelle est la différence entre islam et islamisme, quels sont les principaux éléments de l'image qui aident à comprendre la situation ? 
 
 
Last but not the least, parlons "matière" et conception graphique. Le papier d'Epic est agréable à regarder, bien servi par du Condat mat 130 grammes fait à partir de pâtes sans chlore Certifié PEFC 100% (!), les imprimeurs, les écologistes et les photographes apprécieront !
 
L'imprimeur (Escourbiac) est français, situé dans le Périgord, une manière de soutenir l'industrie hexagonale. La particularité de la revue, c'est aussi la tranche, très inhabituelle, car garnie d'une couture apparente. L'intérêt ? Pouvoir ouvrir complètement la revue et  déguster pleinement les quelques photos en double page ou celles qui dépassent la pliure, quelle que soit leur taille en largeur. Ainsi le centre des photos reste bien visible et n'est jamais détérioré lorsqu'un visage ou un élément important, tombe dans la pliure. Epic, c'est vraiment pensé pour la photo. 
 
Bref la revue est riche, intéressante, documentée, avec une alchimie innovante entre la forme et le fond. Une réussite. On aime vraiment beaucoup. Vivement le n° 2 !
 
La revue est disponible uniquement au numéro, ou sur abonnement, sur le site Epic.
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