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Tourner un documentaire avec le GH4

(interview)

 

04 août 2014 par Thierry Philippon

 

GH4

eckly GH4


A peine sorti, le GH4 fait déjà couler beaucoup d'encre. Mais qu'en pensent les professionnels, cible naturelle du Lumix ? Pourquoi tourner avec un reflex plutôt qu'une caméra classique ? Peut-on filmer seul avec un GH4 ? Réponses avec Jonathan Eckly de la société Mon Ecran Video qui se lance dans un documentaire entièrement tourné avec un GH4.

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Entretien avec Jonathan Eckly


GH4 interview
Captures d'écran : © Jonathan Eckly / Mon Ecran Video.

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LE DOCUMENTAIRE


Magazinevideo : avant d'évoquer le GH4, je vous laisse le soin de présenter votre projet documentaire dont la démarche est particulière...

Jonathan Eckly : Il s’agit d’un teaser dont le but est de proposer une première approche du projet de documentaire sur les résidences d’écrivains en Grande Région dont nous allons commencer la pré-production (écriture et intention) en septembre 2014. Le projet de documentaire, qui accompagne la recherche en cours d’universitaires, s’étendra sur une année. L’intention première est de montrer comment la vidéo peut être au service d’un programme de recherche. Il existe à Nancy le Festival du Film de Chercheur. Pour cette édition, le festival a reçu plus de 150 films candidats au concours.


Notre documentaire devra faire découvrir au grand public le dispositif résidentiel, le travail des chercheurs du CREM, le programme de recherche de la MSH Lorraine et également servir à la recherche en cours. Les interviews enregistrées servent également à la chercheure qui dirige ce projet de recherche et permettra de susciter de nouveaux témoignages en faisant par exemple réagir des auteurs par rapport à des propos tenus par des institutionnels et politiques. Suite à la réalisation de ce teaser court qui présente la recherche, et qui va nous servir à rechercher des partenaires, la prochaine étape est l’écriture et la scénarisation du documentaire.


GH4 interview

L'ÉQUIPEMENT


MV : De quel matériel et accessoires disposiez-vous pour le tournage de votre vidéo ?

J.E. : J’ai tourné ces images avec le Lumix GH4 et deux objectifs Lumix : le 12-35 f/2,8 et le 14-140 ancienne version. Ce qui est très important également c’est de posséder un trépied à tête fluide, comme le Manfrotto avec la tête 701HDV qui permet de produire des panoramiques fluides. Je le trouve bien adapté avec l’utilisation d’un DSLR mais un peu court en hauteur (face à des personnes de grande taille, debout, je n’arrive pas à hauteur de regard). Le son des interviews est réalisé avec un micro hyper-cardioide Sennheiser 416 relié à une mixette professionnelle, elle-même reliée à un enregistreur externe Edirol R44. Les sons hors interview ont été captés avec le micro Lumix prévu pour le GH3 et le GH4, le DMW-MS2E. Le tout a été filmé sans éclairage additionnel.


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MV : Aviez-vous filmé précédemment avec un reflex de la série « GH » ou avec un reflex d’une autre marque ?

J.E. : J’utilise la gamme Lumix depuis le premier modèle GH1. Je me suis ensuite procuré le GH2. Je n’ai jamais possédé le GH3 et la sortie du GH4 était l’occasion de me remettre à jour. J’ai découvert l’utilisation des DSLR Lumix d’abord dans le cadre de travaux et de projets vidéos associatifs et artistiques.


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MV : Vous avez filmé avec le 14-140 et le 12-35. Ces deux objectifs couvrent-ils tous vos besoins ? Etes-vous tenté par une bague d'adaptation comme la Metabone, capable d’adapter bien des objectifs d’autre montures ?

J.E. : Actuellement, ils ne couvrent pas tous mes besoins. Il me manque le 35-100mm f2,8 pour avoir une plage focale assez lumineuse. Je trouve le 14-140 très limité en intérieur et d’autant plus sans éclairage additionnel (reportage, documentaire léger). J’ai quelques autres optiques à focale fixe (monture Pentax et Nikon) trouvés à droite et à gauche depuis l’utilisation du GH1. C’est justement la possibilité d’utiliser toutes sortes d’optiques qui m’avait séduit à l’époque. Je possède également le Lumix 20mm f1,7 qui est excellent.


MV : Quelles cartes mémoire avez-vous choisies ? Et quel est votre équipement de post-prod (logiciel…)?

J.E. : J’utilise des cartes mémoires Sandisk à débit d’écriture 95Mb/s et n’ai pas eu de soucis avec le GH4 pour le moment. Je travaille mes montages sur Adobe Premiere Pro CC et utilise en complément After Effect pour certains projets. Le tout installé sur un PC tout ce qu’il y a de plus classique. Il va falloir que je renouvelle si je compte sérieusement exploiter la 4K.


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ASPECTS TECHNIQUES DU TOURNAGE


MV : Vous avez tourné en AVCHD en 1080p, sous-exploitant d'une certaine manière les possibilités nombreuses du GH4. Tourner en 4K n’était-il pas une ambition, beaucoup s’accordant à reconnaître l’avantage d’une source 4K qu’on peut retaillée en 1080p ?

J.E. : Pour ce projet, j’ai fait effectivement le choix de tourner en AVCHD 1080p50. Je suis le premier à prôner l’intérêt de tourner en 4K pour produire une sortie 1080p, mais cela aurait considérablement alourdi le travail de post-production. Il faut savoir choisir son réglage en fonction du projet. Les images filmées pour constituer le teaser serviront également au documentaire. Le teaser montre une infime partie des entretiens enregistrés. Nous avons déjà plusieurs heures de rushes. Les entretiens qui sont menés par la chercheure peuvent durer plus d’une heure. Il fallait donc opter pour un format de fichier léger. Je trouve qu’en tournant directement en AVCHD 1080 (NDLR : au débit de 28 Mbps), le Lumix GH4 s’en sort très bien et produit déjà une image très propre. Sachant que le documentaire sera, de plus, majoritairement diffusé en SD, la fullHD nous suffit amplement. Je suis persuadé que le projet aurait été ingérable en tournant les images en 4K.


Le choix a également était fait de produire une image immédiatement diffusable, sans étalonnage particulier, donc de tourner en mode « standard » avec uniquement une légère modification de la courbe de luminance pour gagner un petit peu d’informations dans les faibles et hautes lumières. Pour ce documentaire, le plus gros du travail de post-production doit être le poste de montage, de construction du récit. Il s’agit plus d’un documentaire « de recherche » construit sur les témoignages que sur une quête ultime d’esthétisme que l’on pourrait trouver en « animalier » ou en « paysage ».


MV : Comment le choix du GH4 s’est-il imposé ? Il n’est pas si fréquent de réaliser un documentaire avec ce type d’appareil...

J.E. : J’ai été contacté pour travailler sur ce projet et comme je possède ce matériel nous l’avons utilisé. L’université de Lorraine pouvait aussi fournir une Sony HVR-Z7, mais nous avons fait le pari de tenter la réalisation avec le GH4. J’avais déjà réalisé un précédent documentaire avec le GH2 sur un groupe de musique local et je me sentais donc prêt à relever le défi de partir sur une production professionnelle avec ce type de matériel. Dans le documentaire, nous prévoyons des phases d’enregistrement en immersion dans une résidence avec des auteurs. Le but sera donc d’être le moins visible et le moins imposant pour tenter de se faire oublier. Je pense que travailler avec un dispositif léger comme le GH4 m’y aidera.


MV : Avez-vous filmé ou eu envie de filmer en 24p ?

J.E. : Non, pour moi il s’agit d’un réglage destiné au cinéma et nous ne travaillons pas pour ce type de diffusion.


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MV : Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées pour ce tournage ?

J.E. : La difficulté a été de tout mettre en œuvre seul. C’était le défi pour réaliser le teaser et les premières images par manque de budgets. Le reste du documentaire sera tourné avec un ingénieur du son et un assistant image. Cela me permettra de me focaliser davantage sur des choix esthétiques et des partis pris de réalisation.


MV : Vous ne semblez pas avoir cherché particulièrement à jouer avec la Profondeur de champ ?

J.E. : Ce n’était pas une préoccupation sur ce tournage. L’utilisation même de ce type de matériel me permet d’obtenir un effet plus cinématographique que vidéo, mais je ne souhaite pas non plus pousser à l’extrême la PDC. Ce sont avant tout les contraintes lumineuses qui me font opter pour des objectifs à grande ouverture. Jouer avec la PDC a un plus grand intérêt en fiction et en pub à mon avis.


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MV : Comment s’est effectuée la prise de son avec le GH4 ? L’accessoire XLR externe proposé par Panasonic (le YAGH) vous a-t-il tenté ?

J.E. : Non, car il fonctionne uniquement sur secteur ou avec ajout d’une grosse batterie en bricolant. Cela n’est pas fonctionnel hors studio. Je me suis acheté un Tascam DR60D pour enregistrer du son et voyager léger.


MV : Avez-vous été particulièrement prudent dans l’utilisation des panoramiques considérés comme plus difficiles sur un reflex ?

J.E. : Depuis toujours, je privilégie dans ma pratique de l’audiovisuel les plans fixes et si je suis amené à devoir créer du mouvement, j’essaye toujours de procéder avec de lents panoramiques. C’est ma façon de tourner et elle colle plutôt bien avec l’utilisation des DSLR. J’adore les « plans tableaux » de Raymond Depardon dans sa trilogie paysanne « La Vie moderne ». Cependant, je pense qu’en tournant en 50p avec le GH4 il n’y a aucun problème à filmer en caméra portée. Des problèmes risquent de survenir en tournage 4K 25P, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de beaucoup tourner dans cette résolution.


MV : Les noirs manquent de détails sur certains plans (à partir de 1’14’’ par exemple) alors que le GH4 permet de gérer l’échelle des gris au mieux. Avez-vous pu malgré tout jouer avec les réglages fins de hautes lumières proposés sur le GH4 ?

J.E. : Pour ce tournage non. Comme évoqué, les conditions de tournage ont nécessité de travailler l’image le plus simplement possible. Lors des tournages, le but était d’assurer, seul, le cadre et le son. Je ne pouvais pas me préoccuper de réfléchir à obtenir un réglage plus fin de l’image. Mais j’ai pu faire des tests du GH4 et je trouve sa dynamique impressionnante pour un DSLR. Surtout lorsque l’on tourne en 4K, en courbe CineD, modification de la courbe de luminance et que l’on monte ces images dans un projet 1080. J’ai hâte d’utiliser ce type d’image lors d’un projet publicitaire ou corporate. Les images « flat » et les possibilités accrues d’étalonnage se prêteront bien à ces genres audiovisuels.


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MV : Avez-vous ou comptez-vous traiter vos images en post-production ?

J.E. : Certaines images ont été légèrement retouchées en post-production, avec les outils « courbes » de Premiere Pro. Rien de fondamental, j'ai juste rattrapé un peu la luminance sur certains plans. L’idée était de tourner les images dans un mode de prise de vue standard, sans chercher à obtenir une image « flat ». Le budget ne permettait pas de passer trop de temps en étalonnage, il fallait concentrer la partie post-production sur le montage à proprement parler.


MV : Envisagez-vous d’utiliser le GH4 monté sur un rig comme ce que propose Zacuto par exemple ?

J.E. : A plus long terme oui, lorsque ma société aura à nouveau de quoi investir dans du matériel. Je suis plutôt du genre à préférer des plans fixes dans lesquels les mouvements se font, et apporter du rythme et du dynamisme avec le montage, donc l’utilisation d’accessoire permettant de tourner à l’épaule n’a pas été ma priorité. Mais j’y réfléchis car cela permet tout de même d’obtenir de varier les plans pour du reportage par exemple.


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ASPECTS ESTHÉTIQUES, ET RÉACTIONS DES INTERVENANTS


MV : Votre projet repose sur de nombreuses interviews. Comment trouvez-vous le rendu des teintes chair avec un GH4 ? L’articulation du film autour des interviews vous-a-t-elle motivé le cas échéant à tourner avec un GH4 ?

J.E. : Dans la mesure où je n’ai pas encore eu l’opportunité de voir ces images sur un moniteur de référence, il est difficile de se faire une idée exacte. Mais je suis très satisfait de la gamme Lumix depuis le départ sur ce point. Je trouve le rendu plus naturel que la gamme Canon, quoique tout cela soit encore assez subjectif. De plus ce teaser contient des interviews lors desquelles il était impossible de maitriser la lumière ni la température (interviews d’Amélie Nothomb avec moitié de lumière extérieure et moitié de lumière intérieure par exemple). J’adore le rendu esthétique des interviews filmées avec des DSLR, c’est également ce qui a motivé mon choix dans l’utilisation d’un appareil photo pour mes projets.


MV : Pensez-vous utiliser un type de réglage spécifique pour tout ce qui est docu et/ ou communication publicitaire (les même réglages ou des réglages différents) ?

J.E. : Je suis persuadé qu’il faut bien choisir ces réglages en fonction du projet. Tout comme on ne tourne pas de la même manière un documentaire et un reportage. On ne tourne pas non plus le même « type d’images » lorsque l’on réalise un documentaire par rapport à un spot publicitaire de 20 secondes. Les réglages choisis dépendent aussi du support de diffusion. On pourra tourner autrement un projet destiné uniquement au web. Pour du docu/reportage, le mieux selon moi est de chercher à obtenir une image immédiatement diffusable et se concentrer sur la narration. Pour le reste, publicité, corporate, clip on peut vouloir chercher à obtenir en post-production un rendu particulier, spécifique, et dans ce cas là il vaut mieux chercher à obtenir l’image la plus « flat » possible au tournage. Ensuite il va falloir passer du temps, beaucoup de temps, en post-production. Mais comme il s’agit de projet court, cela est envisageable.


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MV : Vos interlocuteurs présents dans RESI-CREA-MEDIA ont-ils eu sur le moment des réactions particulières ou un étonnement lorsque vous les avez filmés avec un reflex ? Dans votre secteur, constatez-vous plutôt un engouement ou de l’ostracisme vis-à-vis du tournage au reflex, jusqu’à ces derniers temps plus utilisé pour la fiction ou le clip vidéo ?

J.E. : Toutes les personnes rencontrées sont surprises quant à l’utilisation de ce type de matériel. Des fois, j’ai le sentiment que cela décrédibilise mon travail. Le grand public n’est pas encore averti des possibilités offertes par un tel appareil. Si bien que je dois souvent montrer des images produites pour rassurer les intervenants/clients. Dans le domaine de l’audiovisuel, parmi mes confrères, je ressens de moins en moins de réticence ou d’appréhension quant à l’utilisation des DSLR. Il est certain qu’à l’heure actuelle, on paraît moins crédible en arrivant sur un tournage avec un DSLR mais il faut faire de la pédagogie et rassurer les personnes. Une fois le résultat validé, je n’ai rencontré que des collaborateurs/clients ravis des images.


MV : Les intervenants ont-ils vu votre teaser et émis des remarques sur le rendu de vos images ?

J.E. : La chercheure, responsable du projet scientifique Rési-Créa-Média, souhaitait obtenir un rendu différent de la majorité des « films de chercheurs » qui ont souvent une esthétique très « vidéo » et parfois « amateur ». Nous voulions nous en éloigner au maximum. Le pari est réussi en tournant au DSLR. L’équipe de production est enchantée du teaser et nous allons donc nous lancer dans la phase d’écriture du film. Je dois vous avouer que la réalisation du teaser était une sorte de test pour moi. J’ai su convaincre les producteurs et nous continuerons la réalisation du documentaire avec ce matériel, mais avec plus de moyens humains.


Entretien conduit par Thierry Philippon. Le teaser est visible ici ou sur Vimeo.



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