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Une charte pour tous les Photographes !

22 septembre 2014 par Thierry Philippon


Tous photographes ! C’est le titre d’une Charte des bonnes pratiques de la photographie dans les musées et les monuments nationaux qui vient d’être rédigée par le Ministère de la Culture et de la Communication.  En 5 articles, cette charte tente de gravir l’Everest : circonscrire le bon usage de la prises de vues photo et vidéo dans les musées. Vous en trouverez le descriptif dans l'image ci-dessous. La charte est même ambitieuse : de l’aveu même du communiqué, l’attente à peine voilée est que cette charte puisse inspirer les autres établissements culturels (châteaux privés, etc.)
 
La volonté de mettre en place une charte est plutôt une heureuse initiative, d’autant qu’elle ne semble pas avoir été menée dans la précipitation. Ponctuée d’une dizaine de réunions, la charte a nécessité environ 2 ans d’élaboration et de finition. Elle a réuni à la fois de nombreux professionnels du secteur et plusieurs organes ou personnes de la société civile parmi lesquels la Fédération des sociétés d’amis de Musées ainsi que des « acteurs » un peu médiatiques comme le très emblématique blog louvrepourtous.fr dont le fondateur, Bernard Hasquenoph, aime dénoncer à juste titre les aberrations culturelles de son pays (le décryptage de l'affaire entre Jean-Jacques Aillagon et Jeff Koons au château de Versailles, c’était lui). 
 
 
Cette large et longue consultation a permis de cerner certains écueils photographiques et de (re)préciser par exemple que les prises de vues au Flash ou au trépied sont interdites dans les Musées. Car en tant que visiteur armé d’un boîtier photo ou d’une caméra, il est parfois bien difficile de savoir ce que l'on peut photographier (ou filmer), le champ des possibles allant de l’interdiction totale, à l’autorisation partielle en passant par un cas très fréquent : l’absence totale d’information claire. 
 
Et du côté des professionnels des musées, il est également difficile de savoir si on doit pencher vers une attitude liberticide pour éviter les abus, ou au contraire, mieux cadrer les autorisations pour limiter les dérives et délivrer un message compris de tous. D’ailleurs, les conservateurs de musées pourront proposer la charte en téléchargement sur leur site.
 
La nécessité de clarifier ce débat est devenue encore plus aiguë avec le développement exponentiel des diffusions de photos ou de vidéos sur les réseaux sociaux qui posent le problème du droit à l’image en dehors de la sphère privée, mais aussi celui du personnel des musées qui peut se retrouver contre son gré pris en plan large de face, et diffusé immédiatement sur Facebook ou Instagram. 
 
 
Voilà pour le côté pile...
 
Côté face, d’abord une charte est une charte et non un texte législatif, son influence sera donc limitée. Ensuite, certains articles de la charte évoquent des points déjà en vigueur comme ceux portant atteinte à l’intégrité d’une oeuvre ou au respect du personnel du musée. Il faudra voir aussi dans les faits l’application de cette charte qui sera très certainement interprétée différemment selon les individus et les établissements. Charte ou pas charte, certains conservateurs risquent de n’en faire qu’à leur tête (on pense au Musée d’Orsay qui interdit photos et vidéos), surtout si juridiquement, ils en ont le droit.
 
Même aux Rencontres d’Arles par exemple, dans ce temple de l’expression photographique, on peut photographier à condition de prendre du recul en photographiant « un ensemble d’ oeuvres » , mais pas une seule de face. Une consigne qui est le résultat d’un compromis avec les artistes, mais qui reste absurde sachant qu’avec un capteur un peu surpixellisé, n’importe quel photographe sait qu’on peut agrandir en recadrant…
 
Hôtel-Dieu de Belleville. Photo : © T. Philippon
 
Des points obscurs de la charte demeurent, d‘autant qu'il n'est jamais fait de distinction entre l’usage privé et professionnel. Le visiteur fait en sorte de ne pas gêner les autres visiteurs nous précise l’article 1 de la charte. Je souhaite bien du courage aux surveillants qui, sollicités par un visiteur importuné se référant à la charte, devront empêcher certains petits compacts d’émettre un bruit horripilant à chaque allumage / extinction ? Plus d’un utilisateur ne sait même pas comment on désactive le son sur son appareil ! Et concernant le flash, j’ai aussi quelques doutes sur la capacité d’un simple débutant en photo à chercher dans le menu la manière de désactiver le flash sur un appareil prévu pour l'automatisme intégral !
 
 
Quant à l’extension de la charte aux autres établissements culturels, cela n’empêchera pas les politiques personnelles de chaque propriétaire de s’appliquer. Récemment le guide d’un château préférait qu’on ne filme pas parce qu’il jugeait qu’en filmant, on n’écouterait pas ses explications historiques et que l’attention serait "dispersée" (sic). Il a promis que l’on pourrait filmer à certains moments, dans certaines parties du château mais il n’a jamais indiqué lesquelles, ce qui fait que personne n’a osé prendre la moindre vue  ! :)
 
 
 
La charte a donc bien du pain sur la planche. Elle s’accompagne d’une communication vidéo dont les établissements nationaux peuvent faire l’usage. Mais la vidéo (ci-dessous) est totalement déconcertante. Pourquoi la chute délivre-t-elle un message d’encouragement appuyé avec une voix féminine qui déclare "dans les musées, prenez des photos !". Le slogan est très réducteur par rapport au message de la charte qui n’est pas un blanc-seing en faveur de la prise de vues photographique dans les musées, mais plutôt un encadrement sous conditions. Et pourquoi être tombé dans une histoire d'une telle mièvrerie : celle d’une blonde post-adolescente qui évolue de statue en statue en lorgnant les attributs masculins des éphèbes, sans grand respect pour les oeuvres du Musée qui semblent la désintéresser ? D’ailleurs l’ingénue s’empresse d’envoyer les photos d’elle-même… à sa maman, les statues n'étant qu'un faire-valoir.
 
La vidéo promotionnelle « réussit » là le tour de force de tomber dans ce que les psychanalystes appellent l’ « injonction paradoxale ». C’est à dire qu’on envoie un message à un interlocuteur mais en même temps, une attitude, une situation ou une communication non-verbale, dit exactement le contraire du message. Il faudrait peut-être une charte… des messages vidéo ? :)
 


Tous photographes! Charte de l'usage de la... par culture-gouv

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Vos avis !

stivi Invité
Pourquoi pas ! Ce n'est que du bon sens et du savoir vivre ! Mais attention à "l’attirance du contraire" : puisqu'il faut pas le faire, je vais le faire et je vais faire un buzz sur F.... Cela rejoint un peu votre article sur le droit (payant ou gratuit) de photographier. Personnellement lors de mes voyages, je ne me pose plus la question et je paie systématiquement la taxe demandée. Je préfère cette manière de faire à la manière très mercantile d'une partie de nos sites touristiques qui vous interdisent de photographier/filmer histoire de vous vendre les photos/DVD à la sortie, sachant que dans certains cas, l'un n'empêche pas l'autre.