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Epic n°5 : la revue photo indépendante fête ses 1 an

01 février 2022 par Thierry Philippon


Elle a pour nom Epic. On vous a déjà dit (voir chronique du n°1) tout le bien qu'on pensait de cette revue trimestrielle de 184 pages consacrée au reportage photo sous un angle documentaire ou artistique. Une publication indépendante - toujours sans la moindre page de publicité ! - qui se définit comme un média lent avec des images larges. La revue fête son 5e numéro daté janvier-février-mars 2022, ou calculé autrement, ses 1 an d'existence. 
 
Comme à son habitude, la revue dévoile le récit en immersion de quatre photographes. Ces "documents" photographiques, ponctués de savoureux coulisses, ont pour point commun d'être détachés de l'actualité frénétique et obsessionnelle. Un plaisir doublé de celui de feuilleter une publication sans "pollution visuelle", entièrement consacrée à la photo et au reportage.
 
 
Côté fabrication, la revue se caractérise par une reliure à dos cousu avec couture apparente, qui permet de savourer les photos sans la pliure centrale. En prime, l'imprimeur est français (Escourbiac, à Graulhet, dans le Tarn) et le papier est un Condat Mat du Périgord :preuve qu'il n'y pas que le foie gras dans la vie de cette région !
 
Structurellement parlant, les reportages sont découpés avec une conception aussi attractive que rigoureuse : d'abord on laisse parler les photos avec (sauf exception) de simples légendes descriptives qui permettent de contextualiser les images. Ensuite est publiée une interview de 4 pages de l'auteur, sans illustration cette fois, sur les coulisses du sujet. Et c'est passionnant ! Enfin, 2 pages "En savoir plus" sont consacrées aux oeuvres bibliographiques, aux chiffres à retenir ou à des coups de zoom sur un point mis en exergue.
 
Parmi ces reportages, j'en ai sélectionnés deux : 
 
Neige Noire © Olivier Laban-Mattei / MYOP
 

Neige Noire

L'originalité de ce reportage réalisé par Olivier Laban-Mattei & Lisandru Laban-Giuliani, et qu'il est l'oeuvre d'un père photographe et de son fils, encore étudiant. Le tandem s'est aventuré en territoire groenlandais où ils ont rencontré le peuple singulier qui y vit. Ils se sont arrêtés notamment à Nuuk, la plus grande ville du Groenland, baignée parfois dans une atmosphère de fin du monde. Un triste record méconnu : le pays détient le taux de suicide le plus important au monde (1 pour 1000) sans qu'on sache très bien si le sentiment d'isolement, les difficultés sociales ou une autre cause, en sont la cause. Une certitude en revanche : le peuple groenlandais vit en prise directe face au changement climatique car selon le GIEC, ce sont les peuples arctiques qui sont parmi les plus touchés par le réchauffement. L'article pointe d'ailleurs le sous-sol riche en uranium convoité par quelques appétits féroces du côté de certaines multinationales ! 
 
© Emile Ducke
 

Diagnosis

C'est le second reportage étonnant de ce n°5 réalisé par un jeune photographe à peine trentenaire, Emile Ducke. Il décrit un des trains médicalisés (ici le Saint Lukas) qui parcourt en huit étapes les plaines enneigées de Sibérie... Adapté à recevoir des patients, le Saint Lukas, train vraiment pas comme les autres, est parfaitement équipé pour y faire des tests sanguins, un électrocardiogramme, une échographie, ou encore des radios... Malgré l'étroitesse des lieux, il permet à une population en manque de soins, de consulter et parfois, d'être soignée. C'est toute l'ex-URSS et l'histoire tumultueuse de ce pays qui se reflète dans ce magnifique reportage.
 
Jusqu'à 15.000 personnes sont ainsi reçues chaque année dans l'un des 5 trains de ce type qui quadrille 13 millions de kilomètres carrés !
 
Le travail du photographe - réalisé en argentique (!) avec un Mamiya 7 et en complément, au numérique - est méritoire. Car il n'est pas simple de réussir à s'immiscer dans l'intimité d'une "salle de consultation" et de gérer l'exiguïté d'un train, espace qui se résume à de longs couloirs et à des compartiments confinés.
 
Les coulisses nous apprennent qu'Emile Ducke a été invité par le personnel du train et a pu rester 9 jours à bord. Avec leur consentement, il a accompagné les patients jusqu'aux compartiments où ceux-ci passaient des examens mais les a aussi photographiés en train d'attendre. Le détail complet des coulisses est savoureuse, à découvrir en se procurant la revue.
 
© Nikita Teryoshin
 
Deux autres reportages ponctuent ce n°5, l'un (Rien de personnel de Nikita Teryoshin) est une enquête distanciée portant sur le marché de l'armement à travers le prisme des salons mondiaux (c'est d'ailleurs aussi la couverture de ce n°5), et le second (Mythologies de Letizia le Fur), plus en recherche d'esthétique, nous donne à voir des paysages singuliers et poétiques aux couleurs improbables.
 
On retiendra aussi une sélection de photos de 7 auteurs qui ponctue les premières pages de cette belle revue.
 
Date et Diffusion
La revue Epic est disponible à partir du 10 février 2022 (envoyé aux abonnés ces jours-ci).
On peut s'abonner en ligne sur le site www.revueepic.com ou acheter au numéro.
 
Prix
Abonnement : 84 € les 4 numéros trimestriels ou abonnement libre par trimestre pour 22€.
Au numéro : 21€ (Epic n°5)
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