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Droit de photographier ou filmer à l'étranger

L'image et le droit

 

29 mai 2014 par Thierry Philippon - Mis à jour le 29 mai 2014

 

En matière de "droit à l'image" dans les lieux publics, on évoque assez peu les conditions dans lesquelles un amateur photographe ou vidéaste est autorisé à filmer des lieux ou sites publics à l'étranger. Or il me semble que les usages ont beaucoup évolué ces dernières années (plutôt dans le sens d'un durcissement), particulièrement depuis la démocratisation des APN et la quasi-généralisation des portables qui filment et photographient. Ajoutez la dématérialisation des photos et Internet et vous obtenez un cocktail aussi explosif qu'exotique ! La situation en dehors de nos frontières varie différemment de la France car le tourisme, plutôt stable dans l'Hexagone depuis 20 ans, progresse par contre de façon exponentielle dans certains pays émergents ou très à la page...
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Au cours de mes récents voyages à l'étranger, je me suis parfois heurté à des interdictions ou des "droits de prises de vues" pour photographier ou filmer certains sites, touristiques ou religieux. Je suis habitué à ce type de situation et ne m'en offusque pas. Mais la diversité des cas que j'ai rencontrés et la logique de certaines restrictions (ou leur caractère absurde !), m'ont donné envie de témoigner. Quelques internautes (que je remercie au passage) ont également apporté d'intéressants témoignages. En définitive, qu'est-il possible de photographier / filmer ? Qu'est-ce qui est gratuit ? Dans quel cas faut-il payer et est-ce une bonne chose ? Enfin dans quelle(s) situation(s) les interdictions sont susceptibles d'être contournées, sachant que vous n'êtes pas obligé de suivre mes conseils bien entendu... !


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Ce témoignage n'évoque ni la situation des reporters professionnels qui obéissent à des règles particulières (demandes d'autorisations spécifiques et concours en général des autorités locales) ni celle des pays / régions où le fait de photographier / filmer est considéré comme très risqué en raison du climat politique ou militaire du pays. Cet article évoque essentiellement des pays touristiques où la liberté de sortir son appareil photo ou son camescope est en principe totale (hors objectifs militaires) mais où les lieux publics peuvent être soumis à des réglementations particulières.



> LIRE LA SUITE : Les interdictions de photographier et de filmer

Les interdictions de photographier et de filmer

Si vous voyagez plus ou moins régulièrement, vous finirez bien un jour par tomber - si ça ne s'est pas déjà produit ! - sur un panneau stipulant "Photography strictly prohibited". Ou son équivalent français "Photos strictement interdites". C'est un avertissement que l'on peut rencontrer dans certains lieux publics tels que les aéroports, les métros, les lieux sacrés ou protégés. De manière générale, mieux vaut respecter ce type de message, même si parfois, les réglementations peuvent s'avérer déroutantes. Ainsi dans un lieu public comme la plus grande gare d'Asie (Howrah Station à Kolkata), je n'ai aperçu aucun panneau d'interdiction et j'ai d'ailleurs pu filmer assez longuement sans être inquiété (*) alors que trois ans et demi auparavant, c'est précisément dans une gare (gare centrale de Mumbai) que des extrémistes d'origine pakistanaise, avaient commis un massacre.


(*) en France, les gares sont frappées d'une interdiction d'effectuer des prise de vues sans autorisation, en tout cas sur trépied. Cette interdiction paraît justifiée vu la gêne qu'un trépied peut susciter dans un lieu où des voyageurs s'entrecroisent.


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En revanche, à 500 mètres de cette même gare, j'ai été invité (par la police) à ranger ma caméra car je filmais sur un pont (Howrah Bridge) interdit à toute forme de photographie. J'avoue que je le savais, le panneau d'interdiction étant clairement situé des deux côtés du pont. Mais l'interdiction est difficile à tolérer. D'après mes informations, elle relève d'une loi militaire considérée par les photographes indiens eux-mêmes comme totalement archaïque. Il existe d'ailleurs des centaines de photos prises depuis ce pont. On peut en découvrir plusieurs dizaines sur le Web... D'autre part, l'interdiction est de filmer le pont quand on est dessus mais (si j'ai bien compris) cette même interdiction ne s'applique plus si vous filmez le pont de loin ou depuis la rivière Hooghly située juste au-dessous ! J'ai pris le parti de prendre quelques vues malgré tout, l'interdiction me semblant déconnectée du réel. J'ai stoppé uniquement quand un policier m'en a (aimablement) donné l'ordre, par respect pour sa personne et sa fonction.


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Le lendemain, on m'a aussi prié de ne pas filmer un très vieux cimetière anglais dans un état de relatif abandon (!). J'ignorais l'interdiction, je n'ai d'ailleurs vu aucun panneau stipulant une quelconque recommandation à ce niveau. A l'inverse, dans un autre cimetière plus modeste, un gentil (mais faux) gardien, me voyant avec ma caméra, m'a encouragé à filmer, m'invitant implicitement à ne pas oublier le guide en sortant... Je ne l'ai pas oublié... :) Que dire aussi de ce célèbre magnifique palais (plutôt à l'abandon lui aussi !), le Marble Palace, interdit à toute forme de prises de vues pour des raisons tout aussi mystérieuses. Je suis d'ailleurs tombé sur le blog d'un photographe voyageur qui, ayant tenté de visiter ce même palais, défend l'idée de la mise en place d'un droit à payer plutôt que de devoir se cacher, puisqu'il a été contraint de prendre des photos clandestines.
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Bien entendu, il y a toujours moyen de contourner les interdictions (si vous les jugez très abusives uniquement). Mais enfreindre la législation revient à photographier / filmer à la va-vite et permet rarement d'obtenir de belles prises de vues, bien posées. La vidéo a de ce point de vue un désavantage sur la photo. S'il est facile, du moins possible de prendre des images fixes rapidement sans se faire remarquer, il est beaucoup plus difficile de filmer rapidement car le maniement d'une caméra nécessite de rester de longues secondes immobile ou de se concentrer à réaliser des mouvements d'appareils, ce qui ne passe pas inaperçu ! Sans compter l'impossibilité d'avoir le temps de déplier un trépied. Du coup, il faut vraiment se poser la question si le rapport "prise de risque / résultat obtenu" vaut le coup.


La vidéo n'est pas seule à être désavantagée, parfois c'est l'inverse. J'ai constaté que la photo avait mauvaise presse alors que la vidéo pouvait être tolérée, pour des prises de vues intérieures, lorsque le déclenchement au Flash présente un danger (peintures anciennes, toiles de maîtres, etc).


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Les sanctuaires religieux (temples, mosquées, églises…) sont souvent également frappés d'une interdiction (quasi) totale de photographier ou de filmer sauf s'il s'agit de sites très touristiques soumis à une réglementation particulière. Dans tous les cas, ne faites pas comme un visiteur de notre Forum qui s'en est mordu les doigts : ne laissez aucun appareil photo ou camescope dans une voiture à l'extérieur d'un édifice religieux même si on vous en donne l'ordre. Risque de vol trop important ! Si vous êtes plusieurs, adoptez le plan B : visitez à tour de rôle le monument. Un peu de temps perdu est préférable à plusieurs milliers d'euros et toutes vos images parties en fumée...


Un vidéaste voyageur rapporte que les interdictions auxquelles il a fait face, tant en Asie qu'en Europe Centrale (Bulgarie) pour filmer des édifices religieux, seraient motivées par la nécessité pour les infrastructures touristiques locales de freiner la diffusion massive d'images sur le Web... lesquelles émousseraient l'intérêt d'une visite réelle des lieux. Mais non seulement ce postulat n'est pas du tout certain, de plus freiner la diffusion d'images sur le Web paraît une cause perdue d'avance...


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Parfois la situation devient franchement compliquée à gérer. Ainsi, à la frustration de ne pouvoir filmer un temple hindou, s'est ajoutée l'obligation de devoir laisser en consigne, hors de ma surveillance, tout appareil électronique capable de prendre des photos ! Avec deux camescopes, 1 APN, et 1 objectif, vous imaginez ma grimace ! J'avoue ne jamais avoir laissé mon sac photo en "déposit". J'ai préféré adopter le plan B décrit plus haut et j'ai juste déposé mes chaussures (on entre pieds nus dans les temples...), c'est moins risqué :)


Même si la déception est immense lorsqu'on parcourt des milliers de kilomètres pour découvrir un temple somptueux dont on vous refuse le moindre cliché, ma position a changé au fil des années : j'estime désormais qu'il est bon que les édifices religieux ne soient pas photographiés de l'intérieur (hors site très fréquenté comme le Meenakshi Temple de Madurai). D'abord par respect pour les fidèles qui viennent s'y recueillir. Ensuite parce qu'il y a finalement peu de lieux dans le monde qui échappent aux objectifs photo. Je trouve qu'il est sain que certains lieux sacrés ne soient pas captés par le moindre objectif de téléphone portable. Après tout, nos yeux peuvent faire office d'appareil photo et notre mémoire servir d'espace de stockage...


Dans la même veine, j'ai visité un musée de traditions tribales totalement interdit à la photographie. Le plaisir des yeux a amplement suffi. Anecdote en forme de coïncidence, quelques jours avant ma visite de ce musée, deux touristes italiens étaient kidnappés pour la première fois à 400 kms de là par des rebelles maoïstes pour avoir un peu trop photographié les femmes d'une des tribus présentes dans le musée... C'est en tout cas la raison que les rebelles ont invoquée pour retenir prisonniers les indésirables. Décidément, mieux vaut parfois ranger son appareil photo !


Moins grave que le kidnapping de ces touristes italiens (même si l'histoire s'est "bien" terminée), un forumeur de magazinevideo a raconté qu'il filmait une cathédrale à Madrid et plus particulièrement la sainte vierge quand un guardia local est arrivé, a saisi le camescope, obligeant notre vidéaste à effacer les images qu'il avait tournées, en arguant d'un avertissement mentionné sur le sol. Décidément, ll y a icône et icone...



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Les autorisations payantes

Les autorisations - moyennant paiement d'une "charge" - sont de plus en plus fréquentes. Elles peuvent dépendre de la politique touristique du pays et le prix demeurer très raisonnable, voire symbolique, surtout pour un occidental ! Pour avoir le droit de prendre des photos, l'entrée dans un jardin botanique m'a coûté 0,15 centimes d'euros, une grotte 1,50 euros...
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Même s'il y a théoriquement peu de contrôles, le photographe averti ou le vidéaste a tout intérêt à jouer cartes sur table en demandant un ticket pour son reflex ou sa caméra. Les images qu'il ramène parfois du bout du monde, valent largement droit à paiement. De plus, l'imagier peut ainsi bichonner ses prises de vues ou installer un trépied tranquillement, tout en ayant l'impression de contribuer par son paiement à un meilleur entretien du site. C'est en tout cas l'argumentaire qui est souvent fourni. Dans le cas des grottes que j'ai visitées, je veux bien le croire car le site était très propre et bien entretenu, ce qui n'est pas systématique en Inde......
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L'acte de payer un droit à l'image en plus du droit d'entrée physique n'a pas que des sympathisants. On peut avoir l'impression - et j'avoue l'avoir parfois ressentie - que tout "musée", référencé sur les circuits touristiques, devient prétexte à considérer le touriste comme une vache à lait qu'on peut traire à volonté. D'un autre côté, l'interdiction de prendre des prises de vues est beaucoup plus mal vécue. Que les choses soient claires. Pour un "visage pâle" (= un occidental), les sommes pour obtenir un droit de filmer sont souvent extrêmement modiques en soi (entre 1,5 et 3 euros). Mais proportionnellement, elles s'avèrent importantes : ainsi pour filmer l'attraction (certes réussie) d'un sous-marin à quai reconverti en musée, le droit d'entrée pour la vidéo m'a coûté l'équivalent d'un droit d'entrée pour... 5 adultes ! De plus, la visite s'effectuait au pas de course, le flux de visiteurs étant rapide. J'ai fait une rapide conversion : c'est un peu comme si le droit de filmer était facturé 15 à 30 euros en France. Les plus pénalisés sont donc les touristes "locaux" qui doivent s'acquitter d'une somme qui pour eux, est disproportionnée en regard de leur niveau de vie…


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Les interdictions sélectives

Enfin, et c'est à ranger au rayon des curiosités, j'ai parfois rencontré une formule mixte d'interdiction / autorisation : les appareils photo et portables sont autorisés (moyennant paiement) alors que les caméras vidéos sont interdites… Je n'ai jamais saisi la légitimité de ce distingo surtout quand il s'agit par exemple… d'un jardin botanique ! J'avoue avoir contourné ce règlement dont j'ai contesté la légitimité (qui ne m'a d'ailleurs pas été justifiée) : j'ai payé un droit d'entrée pour mon APN et je l'ai positionné en mode vidéo. Sachant qu'une grande majorité des APN d'aujourd'hui font de la vidéo, interdire l'utilisation des camescopes alors qu'il existera bientôt davantage d'APN et de reflex capables de faire de la vidéo que de camescopes, n'aura plus de sens à moyen terme... Il est décidément bien difficile de s'y retrouver !
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