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APN et Hautes sensibilités

800, 1600, 3200 Iso… est-ce vraiment exploitable ?

 

08 juillet 2008 par Antoine Désir

 

sensibilité photo

Dans le monde de la photo argentique, la sensibilité des pellicules a fait l'objet de longs développements et les chimistes on fait des miracles avec les cristaux photosensibles. Les films couleur montent jusqu'à 1600 ISO et les émulsions noir & blanc jusqu'à 3200 ISO, au prix de grains importants. Ces films sensibles permettent de bien capter la lumière et donc d'augmenter la vitesse d'obturation ou de fermer le diaphragme, pour éviter le flou ou augmenter la profondeur de champ. Obtenir une sensibilité élevée est donc critique pour un photographe dans nombre de situations : intérieur, absence de flash, ombre.


En photo numérique, on veut aussi bien, voire mieux. Les chimistes laissent la place aux électroniciens qui essayent d'offrir des appareils offrant des hautes sensibilités. Avec l'avantage de pouvoir en changer à chaque prise de vue, sans ouvrir l'appareil !



> LIRE LA SUITE : Bruit et réducteur

Bruit et réducteur

Après la course aux megapixels, celle aux "kilo-isos" a commencé. Fuji est parti devant avec son capteur SuperCCD, puis le compact F10 en 2005. Les autres ont dû suivre. Car la sensibilité est un autre nombre simple à comprendre et facile à exploiter commercialement, comme la définition et sa course aux mégapixels.


On trouve ainsi des APN compacts annonçant une sensibilité de 3200 ISO, alors que 400 ISO étaient la limite il y a quelques années. Mais comment font-ils donc ? Quelle découverte extraordinaire peut induire une telle avancée ?


En fait, la sensibilité des capteurs n'a pas beaucoup progressé, mais la puissance de calcul des processeurs de traitement d'images a fait des bonds. Vous avez deviné ? Non ? L'explication en deux étapes :


1. on amplifie le signal. Peu de lumière arrive dans le capteur, peu de tension sort du capteur. C'est sombre, dommage. Alors on amplifie pour simuler l'arrivée de plus de lumière. Facile, non ? Oui, on sait bien faire. Mais il y a un "hic". Le "bruit" visuel, généré par le capteur et son entourage, est amplifié avec le signal. Nous avions peu de lumière directe et peu de bruit. Après amplification, nous avons beaucoup de lumière et beaucoup de bruit. Le bruit se manifeste, selon le traitement opéré par l'appareil par de nombreux points de couleur différente de celle du sujet. En effet, certaines de ces valeurs de couleur ne sont pas déduites de la lumière extérieure à l'appareil, insuffisante, mais de charges électriques internes.


Détail d'un masque en bois rouge sombre sur fond blanc. Peu de lumière ambiante : l'appareil "invente" des couleurs, c'est le bruit visuel. L'image est difficilement exploitable. On abandonne ? Non !

2. on traite le signal bruité pour essayer d'isoler le bruit du vrai signal (celui qui nous intéresse). On essaye de retrouver l'information lumineuse qui est rentrée dans l'objectif à partir du signal qui sort de l'amplificateur. Heureusement, on en connaît un bout sur le bruit. Il a un comportement étrange, mais bien étudié; on peut donc lutter. Mais il faut traiter l'image avec des algorithmes lourds, d'où la nécessité d'une puissance de calcul importante. Avec un bon logiciel et un ordinateur, on obtient des résultats spectaculaires. Et la nouveauté, elle est là : les traitements peuvent maintenant être faits dans l'APN. On appelle ça la réduction du bruit.


L'image d'origine
 
Réducteur de bruit et amélioration d'image par DXO. C'est mieux !
Tout est bien, alors ? Le problème est résolu ? Et bien non, parce que le bruit, on le connaît un peu, mais il reste irréductible. Et une image passée au réducteur de bruit, elle souffre : perte de définition (piqué), perte du respect des couleurs, etc. Sur de petits tirages ou à l'écran, cela ne se voit pas trop. Mais dès que l'on agrandit : aïe ! Les ingénieurs ont beau être forts en traitement du signal, ils ne peuvent s'affranchir des lois fondamentales de la physique...


(APN et Hautes sensibilités)

La physique

Un oeil humain est sensible. Certains animaux font encore mieux : les chiens, les chats, les hiboux qui n'ont besoin que de la lueur des étoiles pour bien voir. Et certains capteurs électroniques vont encore plus loin : le moindre photon (particule lumineuse) arrivant sur une de leur cellule de silicium est détecté et transformé en signal électrique. Notre oeil a besoin de plusieurs de ces particules pour engendrer une réaction qui forme une image dans notre cerveau. Tout ça, c'est du haut de gamme. En électronique grand public, on ne sait pas faire. Vous vous voyez avec un réservoir d'azote liquide dans le dos pour refroidir votre capteur qui serait aussi cher qu'une (belle) voiture ?


Et à propos des capteurs des APN et caméscopes ? Pour qu'ils voient quelque chose, il leur faut beaucoup de petits photons. Donc, il faut que les photosites (les collecteurs de lumière) soient grands pour regrouper beaucoup de photons. Pas de chance : la course aux pixels est prioritaire, marketing oblige, et les capteurs petits pour des raisons de coût. Ce qui nous donnent des photosites minuscules. Et donc des capteurs peu sensibles. CQFD.


Pour le coup, la règle est simple : la taille des photosites égale la taille des capteurs divisée par le nombre de photosites. Chaque photosite va générer un signal, dont le niveau est proportionnel à l'intensité lumineuse, qui sera transformé en pixel par l'électronique de l'appareil.



Taille comparative des capteurs (ci-dessus et ci-dessous)
Taille hauteur en mm largeur en mm surface en mm² rapport de surface
plein format 24 36 864  1
APS-C 16,7 25 417 1/2
4/3 13,5 18 243 1/4
2/3" 6,6 8,8 58 1/15
1/1,8" 5,3 7,2 38 1/24
1/2,7 4 5,3 21 1/41

Vous avez bien lu : il faut 40 capteurs 1/2,7" pour obtenir la même surface qu'un capteur plein format !



On voit qu'il existe un fossé entre les gros capteurs (du plein format au 4/3), utilisés dans les reflex numériques et les petits capteurs (du correct 2/3" au minuscule 1/2,7"), exploités dans les compacts numériques. Il semble y avoir une frontière aux alentours de 5 microns de large par photosite pour obtenir une sensibilité comparable à celle des pellicules argentiques les plus sensibles.


Pour être sensible, un capteur 1/2,7" (APN miniatures) devrait avoir une définition inférieure à 1 mégapixel ! Impensable. Et les capteurs 2/3" (APN compacts experts) devraient rester à 2 mégapixels ! Vous achèteriez ? Pourtant, cela donnerait la même sensibilité qu'un capteur 4/3 de 10 mégapixels (courant) ou un capteur APS-C de 16 mégapixels (bientôt)... Les capteurs plein format pourront, eux, monter tranquillement vers les 30 Mp.


Les appareils à objectifs interchangeables et gros capteurs (appelés reflex) sont fortement avantagés dans le domaine de la sensibilité : chaque photosite fait plus de 5 micromètres de large, donc une sensibilité native plus forte. Ils peuvent donc offrir des sensibilités de 1600 ISO ou 3200 ISO avec des images réellement exploitables.


Détail en pleine définition (la photo fait 4 Mp à l'origine) d'une photo prise avec un Canon 20D (qui a un capteur CMOS 8 Mp de 15 x 22,5 mm) réglé à 1600 ISO, sur scène et sans flash. Le bruit est moindre que sur un compact à 400 ISO. Logique !
Sur les compacts, l'image n'est propre (exempt de bruit visible) qu'au premier niveau de sensibilité (50 à 100 ISO) car le gain (autre nom de l'amplification électronique du signal) engendre du bruit, comme nous l'avons vu. Si la résolution des compacts arrive à celle des reflex, la sensibilité (et donc la qualité d'image en faible luminosité) les différencie encore fortement. On retrouve cette différence dans le monde des caméscopes entre les modèles grand public peu sensibles et les modèles experts plus à l'aise lorsque le lumière diminue.

Il faut aussi prendre les sensibilités affichées par les fabricants avec des pincettes. Comme avec les pellicules argentiques, la sensibilité réelle est différente de celle affichée. Certains gros capteurs de qualité peuvent sous-estimer leur sensibilité (puis offrir un 3200 ISO lors d'une révision du programme de l'appareil alors qu'il ne proposait que 1600 ISO à l'origine), d'autre plus petits la surestiment pour obtenir des chiffres plus vendeurs (qui voudrait d'une sensibilité de 1250 ISO alors que l'appareil en annonce 1600, comme le concurrent ?).


(APN et Hautes sensibilités)

Conclusion

La photo numérique grand public court après deux objectifs : la course à la définition et maintenant celle à la sensibilité. Mais nous avons vu qu'ils étaient contradictoires : plus de pixels, ce sont des pixels plus petits, donc moins sensibles... Alors comment progresser ? En améliorant le traitement du signal, encore. Mais surtout en recherchant des progrès de l'électronique pour produire des capteurs moins bruités. Les chimistes ont mis des dizaines d'années avant de maîtriser les émulsions, laissons les électroniciens progresser. Et puis, on peut aussi améliorer les optiques pour capter plus de lumière. Ce qui signifie renoncer à la compacité extrême !


(APN et Hautes sensibilités)

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