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Drone : un court métrage très Inspiré

28 novembre 2016 par Thierry Philippon


The Circle est un court métrage d’un peu plus de 13 minutes entièrement tourné à l’aide du dernier drone de DJI, le très professionnel Inspire 2 (aux environs de 3400 euros). Mais ne vous attendez pas à une ribambelle de vues aériennes comme pourrait le laisser penser l’exploitation d’un tel aéronef. Tout au contraire, le court métrage exploite un drone - c’est là sa force et son originalité - pour toutes les prises de vues, y compris des scènes à hauteur d’homme, des dialogues, des scènes de rue, ou même des vues en intérieur ! Les travellings aériens ne sont pas totalement absents - ils sont d’ailleurs superbes - mais ils représentent moins de 5% des vues totales du film.

Mais quelle drôle d’idée de créer un film en poussant les limites du drone de cette façon ! Le challenge épouse l’état d'esprit qui a pu animer le film Olive (2011) avec Gena Rowlands, entièrement tourné au smartphone à l'aide d'un Nokia N8 ou encore, dans une moindre mesure, à Taxi Téhéran de Jafar Panahi, filmé à l’intérieur d’un taxi avec des Cinema Camera Blackmagic.
 
 
La particularisme du drone est encore plus fort puisqu’il s’agit d’un engin volant peu prédestiné à première vue à tourner des scènes assez classiques de cinéma. 
 
Et pourtant le pari est réussi. Et même sacrement réussi. Pour ne rien gâcher, le court qui se déroule en 1939 peu après la grande dépression aux Etats-unis, est un vrai film de cinéma avec un authentique petit scénario…
 
 
Pour réussir ce pari, le réalisateur Sheldon Schwartz, ses pilotes (Ferdinand Wolf et Jim Miller) et le talentueux Directeur de la Photographie Claudio Miranda (c’est à lui que l'on doit la photo de L’Odyssée de Pi), se sont adaptés au drone; tantôt l’aéronef est utilisé comme tel, tantôt il est exploité à la façon d’une engin stabilisé, par exemple pour toutes les vues intérieures. Dans ce cas, on retire au drone ses hélices et on manipule celui-ci en profitant de la nacelle stabilisée. Dans le même temps, le monitoring de la scène se déroule à distance dans une autre pièce. 
 
 
Dans au moins deux scènes du film (le père qui s'apprête à dessiner le portrait d'une passante et les enfants qui se battent), le drone alterne une première phase où il vole et une seconde phase durant laquelle un opérateur prend physiquement le drone en mains dans un même plan-séquence. 
 
 
Le fait qu’il s’agisse d’un drone n’empêche pas d’utiliser des dispositifs cinéma éprouvés : ainsi pour filmer les acteurs dialoguant en voiture, le drone, débarrassé une nouvelle fois de ses hélices, est positionné sur un dispositif de fixation latérale (voir photo).
 
Comme on le discerne, le drone est adapté à chaque situation. Toute la force du film est d’effacer la technique - pourtant au coeur du projet - pour rendre ce processus invisible et offrir au spectateur la vision presque habituelle d’un court métrage de cinéma.
 
 
Alors pourquoi utiliser un drone en dehors d’une justification promotionnelle pour DJI et son Inspire 2 ? La réponse est que l’aéronef offre une liberté de mouvement réelle : les scènes aériennes partagent un intérêt presque égal avec les scènes de rue. Ainsi à 7’, le drone s'exécute pour un plan-séquence intégral d’une scène de nuit, tournant autour des jeunes acteurs puis les suivant dans la rue alors qu’ils courent l’un après l’autre. Un peu plus tard, le drone parvient à se faufiler dans les lieux exigus d'une maison et passer d’une pièce à l’autre (pour arriver dans la chambre de la jeune fille) là où un équipement plus lourd aurait probablement été requis. 
 
 
De même, le plan d’introduction aurait nécessité l’apport d’une Louma (beaucoup plus onéreuse et lourde à mettre en place) alors que l'installation du drone n’aura nécessité qu’un peu de préparation et quelques répétitions. Parfois la débrouille l’emporte avec un drone accroché à des filins (à 9’49’’), qui descend lentement du plafond - telle une araignée suspendue à un fil - vers le lit où dorment le père et son fils. Le résultat est cinématographiquement beau et bien malin celui qui aurait deviné le dispositif utilisé ! Il faut aussi saluer la prise de son car dans certaines scènes extérieures non musicales (à 0’37’’ ou à 7’15’’), le bruit des hélices du drone a été évité…
 
 
L’intérêt de The Circle est aussi dans la qualité de l’image obtenue : même si le post-traitement est conséquent, l’Inspire 2 est capable d’encaisser des dynamiques élaborées grâce à la nouvelle caméra X5 qui permet d’adapter davantage d’optiques cinéma. L’image obtenue est en résolution 5.2K RAW (au format Adobe CinemaDNG RAW) en 422 HQ. Les images sont enregistrées en ProRes ou Raw sur un SSD. Pour les besoins du film The Circle, des fichiers proxy ont été enregistrés en 1080p sur une carte SD pour visualisation immédiate.
 
 
Bref, il s’agit d’un « nouveau » langage qui ouvre probablement des portes à la réalisation de fictions de cinéma. Et comme le précise le narrateur, les réalisateurs talentueux qui verront ce film pourront sortir et raconter leurs propres histoires.  
 
 
Pour en savoir plus
(Behind the scenes)
 
captures d'écran :  © DJI
 
Behind the scenes Inspire 2
 
Behind the scenes X5S Camera
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Vos avis !

avatar Ciné7 Membre
Un vrai drone de cinéma (digital) en somme ! Sa polyvalence et la qualité de la caméra lui permettent en effet tout l'éventail espéré et c'est sans doute le message de cette promo. Il est vrai que tous ces plans sont déjà possibles avec une machinerie classique, lourde et coûteuse. Ceci dit, une Louma (ou autre grue) aurait certainement permis que le mouvement du plan d'ouverture puis du plan de nuit à 9'49" soit encore mieux maîtrisé. Mais cette impression de vol sur un sujet pourrait aussi se justifier et selon moi, il est là le nouveau mouvement de caméra à étudier. (Je suppose que le son est post-synchronisé pour éviter le bruit des hélices). En tous cas, petit court-métrage et petit article très réjouissants puisqu'il s'agit d'un outil incitant à reprendre le pouvoir de l'imagination.
Thierry P. Invité
Oui c'est assez juste pour le plan d'ouverture qui souffre d"un peu d'approximation. Heureusement qu'il reste encore des choses aux "grandes".

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